61 ans séparent ces deux photos :
juillet 1939 - novembre 1999.
Pour ceux qui me reconnaîtront,
s'il en existe encore en ce bas monde, je vais rappeler mon identité
: CANDELA LUCIEN, né le 09 septembre1923 à Casablanca .
J'ai résidé à Alger,
tout d'abord au 6, rue Barbès, face à l'imprimerie IMBERT, puis au 6
de la rue Bichat près de l'hôpital de Mustapha.
Avant de rejoindre l'Ecole
Clauzel en 1933, je suis passé par les établissements de BORDJ BOU ARRERIDJ,
de BORDJ MENAIEL, L'ARBA, RIVET, LAPEROUSE et KOUBA. Une enfance bien
remplie, mais une éducation en dents de scie.
Mais passons à cette
fameuse période passée à Clauzel, clôturée par le B.E. (brevet élémentaire)
en juin 1939.
J'ai débuté dans la classe de Monsieur COHEN en 1933; j'avais dix ans.
C'était un monsieur avec un timbre fort, mince, élancé, doté d'une luxuriante
barbe noire, portant chapeau, qui nous impressionnait beaucoup. Brave
homme. Année sans problèmes dont je conserve un souvenir fugace.
J'ai continué avec Monsieur JORDAT, dont le fils était un de mes amis
avec qui je me suis retrouvé au Sporting Club Aletti, sous les ordres
des Maîtres Berges et Gomis pour tirer au fleuret. Année préparatoire
au C.E.P. Année banale. Bon instituteur.
L'année scolaire dont
je garde le meilleur souvenir, c'est celle de Monsieur Maurice HERMITTE
en 1935, année du C.E.P. C'était un homme affable, ouvert, qui avait
le mérite malgré la présence de plus de quarante élèves dans sa classe
de s'intéresser à tous. Jamais une taloche, pas une brimade, mais un
parler qui nous en imposait et nous forçait à bien faire. En un mot,
il était "le Maître" que nous aimions tous et pour qui nous avions un
grand respect.
Par le biais du cinéma,
parce que nous avions deux appareils de projection : un PATHE BABY et
un autre projecteur motorisé de 16mm, il avait su, nous mettre dans
le bain avec tantôt des films instructifs, tantôt des courts métrages
amusants, captiver notre attention et nous inculquer son savoir qui
était grand. OU ??
C'est lui qui m'a plus
tard fait le discours d'inauguration de la plaque apposée au dessus
de la porte de la classe de Monsieur GEROLAMI. Par la suite, il m'a
confié le soin d'entretenir les projecteurs et d'organiser pour d'autres
classes des séances récréatives avec je m'en souviens les aventures
de Rintintin. J'étais chargé de prendre les films à la cinémathèque
qui se trouvait dans les sous-sols de l'école Horace Vernet. Je dois
dire, et chacun d'entre nous le pourrrait pareillement, que c'est l'homme
dont je garde le meilleur souvenir.
Par contre, l'année 1936
a été celle dont je garde le plus mauvais souvenir et qui ne m'a laissé
que rancoeur.
Le maître d'école que nous avions, Monsieur SPINOSI, dit "BOULOS", car
il était chauve comme une boule de billard, avait pour habitude très
souvent lorsqu'il avait sommeil, de nous donner deux problèmes et de
s'endormir sur sa chaise pendant ce temps-là. Année stérile, sur laquelle
je préfère ne pas m'étendre.
La première année de
Cours Complémentaire, en 1937/38, a été un changement radical dans nos
habitudes. Cinq instituteurs, donc autant d'approches différentes, avec
leurs habitudes que nous devions assimiler.
Je prends le cas de Monsieur PRIVAT, le Directeur, que nous avions surnommé
"Premier Dirlo". Il nous avait immatriculés. Nous étions quarante cinq
dans la classe et il possédait une boîte avec des jetons blancs pour
les dizaines et rouges pour les unités. J'avais pour mon compte le numéro
13. Quand il désirait faire une interrogation orale, il lui suffisait
de tirer un numéro et le désigné venait soit réciter sa leçon, soit
résoudre un problème. Mauvais quart d'heure pour certains, grande angoisse
pour tous.
Monsieur PICARD, par contre, avait l'habitude de dicter ses cours, lesquels
comportaient de nombreuses pages d'écriture qu'il fallait lui réciter
chacun notre tour. C'était un homme d'un mètre quatre-vingt, quatre
vingt cinq, des lunettes avec des verres très épais, une main estropiée,
qui ne badinait pas avec l'obéissance, jouant des heures de "colle"
le jeudi matin et une main très leste; malgré les calottes qui nous
étaient parfois distribuées, personne ne rechignait. Faites cela maintenant
: c'est l'insurrection dans l'Etablissement.
Monsieur MORICHERE, lui, c'était un ancien joueu r de rugby reconverti
avec de multiples dents en or; toujours le sourire et même lorsqu'il
vous grondait, il gardait celui-ci au bord des lèvres. Son habitude,
il tirait les cheveux des élèves qui, je dois le dire, ne renaclaient
pas, car ils le méritaient ; c'était un homme très juste, pas un bourreau.
Quand à Monsieur PERRIN, notre professeur de musique, un maestro de
la trompette, fort peu enclin à nous enseigner le solfège, il préférait
nous jouer de son instrument, pour notre plus grand plaisir. C'était
un doux seigneur, qu'il était facile de berner.
Quand au professeur de dessin, dont je revois le physique avec une superbe
moustache et un grand chapeau de "rapin", son nom m'est sorti de l'esprit.
Le seul souvenir que j'en garde, c'est un grand vase qu'il posait sur
la table et que nous devions dessiner jusqu'à finition. Cela prenait
parfois deux mois.
D'autres images, fugaces
celles-la. La récréation, avec la vente à la fenêtre de sa loge par
Madame VICHAT de petits pains, croissants et autres, l'échange des illustrés
du moment : TARZAN, MICKEY, L'EPATANT, BIBI FRICOTIN, LES PIEDS NICKELES,
L'ILLUSTRE, etc....
La période des noyaux d'abricot, avec les divers jeux qui en découlaient
: le tas, le touche-tout... et les boîtes de chaussures découpées avec
des ouvertures pour y faire entrer des noyaux.
Les images des boîtes d'allumettes et des chewing gum que l'on projetait
sur les murs à deux mètres de distance, sans oublier les diverses billes
: en verre, en agate et en acier en provenance de roulements. Enfin
un tas de jeux puérils qui faisaient notre bonheur et que je repasse
dans mon esprit avec une infinie tendresse.
Je ne saurais terminer
ce long laïus sans citer les noms de mes copains, anciens camarades
de bancs d'école sur lesquels nous avons usé nos fonds de culottes :
les frères MORUET, DUVERT, FONTANABONA, DE BIENKEVITCH, PIERSON, VILETTE,
PLATRE Georges, dont le père était pharmacien, PASQUION, DEMEURE, COLLOMB,
CAMPS, BELLISENT, les frères EMION Guy et Gilbert, les frères TIAZET
qui avaient une épicerie à l'angle de la rue Hoche et de la rue Aubert,
TOUBOL, ZEMMOUR, SCHEMBRE, FORCIOLI devenu commissaire aux R.G., les
frères ANTOMARCHI qui avaient le café en face du "Maurétania" au carrefour
de l'Agha, FOURNIE, MARI, MERCURIO et tant d'autres dont j'ai oublié
les noms.
Que ceux qui se souviennent
de ces temps heureux aient une pensée pour nos amis disparus pendant
la guerre de 1939/45, et aussi pour nos instituteurs qui malgré tous
les défauts que nous leur trouvions faisaient leur travail avec un savoir
que je veux louer.
A tous, mon profond respect.
Lucien Candela
PS : un autre souvenir qui me revient maintenant, c'est
la proximité de l'école TIRMAN ; à 15/16 ans, nous avions la sève qui
nous travaillait, aussi quasiment tous les jours avant la rentrée de
13h30, allions nous "mater les filles". C'était l'apprentissage de la
vie et de l'amour, ce qui nous valait maintes remontrances de nos instituteurs,
mais ne nous empêchait pas de remettre cela le lendemain.
Mais je stoppe ici, car il y aurait trop de souvenirs bons et mauvais
à étaler, et la place me manque.
Et maintenant, un mot sur...
L'AMICALE DES ANCIENS ELEVES DE L'ECOLE CLAUZEL
Société (Loi de 1901) déclarée au J.O. de l'Algérie fin 1946
ou début 1947
Sortie de l'imagination
de quelques anciens de Clauzel, la société avait pour but au départ
de regrouper ceux-ci afin de perpétuer le souvenir de nos camarades
tombés au champ d'honneur. Aussi, afin de réunir des fonds, avons nous
décidé d'officialiser l'A.A.E.E.C avec pour fondateurs : Messieurs Candela,
Mercurio, Fournier, Mari, Zaitzof.
De fil en aiguille, nous
nous sommes retrouvés une trentaine de membres, qui commencèrent avec
l'accord de Monsieur Paillet, le directeur en titre de l'établissement,
à fréquenter les permanences du jeudi soir après l'école. Nous décidames
de lancer diverses manifestations, à savoir : bal de l'école, sorties
en groupe, manifestation théâtrale.
Puis, avec les fonds
recueillis, de doter l'école de matériel scientifique et autre, avec
des séances de cinéma, et en finale l'apposition d'une plaque portant
les noms de nos condisciples : Messieurs Duvert, de Bienke, Vitch et
cinq autres noms dont l'identité m'échappe (trou de mémoire).
Bal de l'école : il se
fit avec un mini-orchestre composé d'un saxo (un de nos amis anciens
élèves du nom de Zemmour), une batterie et une guitare. Ce fut pour
nous une bonne mise en train, et surtout, la mise en évidence de notre
inexpérience.
Séance théâtrale : Maison
des Italiens, rue Denfert Rochereau . Manifestation ouverte aux élèves
avec leurs parents, aux anciens avec leurs familles. Au programme une
pièce humoristique, "Ben Ali à l'école". Bon succès, bien que ce ne
fût pas d'un humour très relevé. Ecrite par Aimé Dupuy, "le Tirailleur
algérien". Ensuite : la vente aux enchères d'un mouton offert par
un généreux donateur, une loterie, et pour terminer un apéritif. Au
final, satisfaction générale, jolie recette et premier don à la caisse
de l'école.
Sorties en groupe : je
ne saurais dire le nombre de celles-ci, mais elles remportèrent un franc
succès. Col de Bou Zegza, barrage du Hamiz, Les Ondines (Cap Matifou),
Bérard et sa Cascade, Forêt de Sidi Ferruch, au chalet Le Beau, etc....
Plaque commémorative
: elle fut inaugurée en présence des élèves de l'école, des anciens
et de l'inspecteur d'Académie en poste. Franc succès teinté d'une touche
de tristesse de notre part, sans oublier nos professeurs (ceux que nous
avions touchés. Il en manquait, hélas, à l'appel).
Puis les années passèrent
et les retrouvailles s'espacèrent, chacun se tournant vers son avenir,
sa famille, et ses succès. Le jour où je me suis trouvé seul, j'ai du
mettre l'amicale en sommeil. Dès lors, je me suis tourné vers les élèves
afin de leur offrir avec le solde de nos espèces, la possibilité d'assister
à des séances de cinéma, lesquelles se déroulaient à l'Olympia ,
le jeudi matin à dix heures. En compagnie de mon ami Robert Carru, Président
de l'Amicale des anciens élèves du Collège Technique du Champ de Manoeuvre,
nous en fîmes une dizaine. Je m'adressai pour ce faire à Monsieur Paillet,
lequel, je dois lui rendre cette justice, me facilita la tâche, pour
la plus grande joie des écoliers.
Hélas, un jour il fallut
bien le reconnaître, notre idée tomba à l'eau et chacun repartit vers
son destin et l'on oublia l'AAEEC.
J'ai conservé les archives
de la société jusqu'au jour du grand départ d'Alger et, devant "fuir"
devant les menaces, j'ai laissé avec mes affaires, mon appartement et
mes meubles, tous les documents (livres de comptabiblité, de réunions,
Journal Officiel, Statuts, et reçu de déclaration en Préfecture), fermant
ainsi le livre de notre amicale à tout jamais. Enfin, cest ce que je
croyais, jusqu'à ce que j'apprenne l'existence d'ESMMA!.
Lucien CANDELA,
Président fondateur de l'AAEEC, Président d'honneur de ES'MMA!
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Un document épatant: l'amicale des anciens de Clauzel avant le départ en car pour Sidi-Ferruch. C'est le 4 mai 1947. Nous sommes en plein carrefour de l'Agha, à l'endroit où la rampe Chasseriau devient la rue de la Gare, là où, plus à gauche, quelques années plus tard, s'élevera le "Maurétania". Derrière le groupe: la brasserie de l'Alliance (au n°1 rue Sadi Carnot). Plus à gauche: la papeterie de l'Agha, et un immeuble, le n°3 de la rue Sadi-Carnot, où vit le petit Jean Bayle, il a moins d'un an.
Encadrement de l'Ecole Clauzel fin juin 1939
Directeur : Monsieur PRIVAT, qui enseignait : Physique -Chimie-Mathématiques.
Instituteurs du Cours Complémentaire :
-Monsieur PICARD : Histoire - Géographie
-Monsieur MORICHERE : Français+Education Physique.
-Monsieur PERRIN : Musique.
-Monsieur (Trou de mémoire) : Dessin
Instituteur du Cours Supérieur :
-Monsieur SPINOSI
Instituteurs et institutrices des Cours Elémentaire, Préparatoire, Moyen...
-Madame GEROLAMI
-Messieurs PRIVAT (fils), COHEN SOLAL, RICHIER, JORDAT, HERMITTE
: qui plus tard deviendra le cinéma "Le Français", géré par la famille Pastor (non, pas la tienne, René, celle d'Andrée, la copine d'Annie Suc).
: cinéma qui se trouvait 2, rue de la Poudrière, actuellement rue Hamitouche.
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