RUE ÉMILE ALAUX
1ère PARTIE
LA NAISSANCE D'UN QUARTIER
(ici tableau d'Hervé Jacquemin)Le Télemly des peintres et des chevriers Jusqu'en 1925, le chemin du Telemly seulement empierré, marquait la frontière entre la ville habitée et les collines. Au-dessus, c'était encore la campagne avec parmi les oliviers, et les bouquets de cyprès (et, plus haut, sous le Fort, les pins, les asphodèles, les aloès et les figuiers de Barbarie), quelques belles villas mauresques perdues dans des jardins désuets, demeures d'originaux fortunés (souvent anglais) qui acceptaient ce relatif isolement au bénéfice d'une vue imprenable sur l'une des plus belles baies du monde. Le Télemly, alors, inspirait les peintres qui nous ont laissé une image pleine de charme de ces hauteurs vierges, à deux pas du centre-ville dont le "Mont Riant", rebaptisé "Parc St Saëns", puis "Parc Marcello Fabri", fut le dernier vestige accessible à nos souvenirs de jeunesse. (en marge droite, tableau Armand Assus : le Télemly vers 1900 par Armand Assus (coll. Part.).Arrivé en 1920 de Miliana avec mes grands-parents, mon père connut ce Télemly encore sauvage et se souvenait d'y avoir joué aux billes (au trou pourri) en plein milieu de la chaussée. Le matin, annoncés à sons de trompe, passaient les derniers chevriers maltais menant leurs troupeaux en ville. Ils vendaient leur lait, trait sous les yeux, aux maisons qui s'accrochaient à la pente, côté ville, du futur boulevard. Mes grands-parents s'étaient installés dans l'une d'elles, la villa Sainte-Anne qu'on appelait communément la "maison Mirabello", du nom de ses propriétaires napolitains. Mes cousins Bouchinet y habitaient déjà et les deux couples de belles-soeurs et beaux-frères, avaient pris l'habitude, depuis leur regroupement en Algérie en 1905, (1) de se suivre et de se rassembler chaque fois que possible (2) C'était à flanc de pente (au 43 chemin du Télemly), une belle maison de rapport avec trois étages dont les deux derniers donnaient, vers l'arrière, sur le Télemly. L'étage supérieur était habité par mes cousins Bouchinet, Léonce et Marie (soeur de ma grand-mère), leur fils Gaston et son épouse Fernande ainsi que leur première née, ma cousine Jeannie qui inaugurait la génération familiale à laquelle j'appartiens. A l'étage intermédiaire, à ras de chaussée, vivaient à droite les propriétaires napolitains, Monsieur et Madame Mirabello et à gauche, leur fille, mariée à Mr Couban, croupier au Casino. Leur fils Julot fut, comme cela se faisait à l'époque, le frère de lait de ma cousine Jeannie car, Madame Couban, en bonne napolitaine, avait le lait généreux. A l'étage inférieur, mes grands-parents donnaient de plain-pied sur le ravin à l'état de nature (ce qui convenait très bien à mon père pour ses jeux), et avaient directement accès au raccourci alterné d'escaliers (la future rue Cornuz) qui rattrapait le centre ville par la rue de Mulhouse. C'est dans cette maison dont il garda à vie un excellent souvenir qu'habitait mon père quand il commença ses études secondaires au Petit Lycée de Mustapha (qui n'était pas encore le Lycée Emile Félix Gautier) et se lia d'amitié avec Henri Garcia son condisciple (voir la photo de classe 1922 en 4èmeAB1, où ils sont assis au premier rang, à gauche, l'un à côté de l'autre). La loi Loucheur à l'assaut des collines A l'époque, il n'y avait pas encore de rue Emile Alaux, ni d'ailleurs aucune autre des rues de ce quartier résidentiel qui dut son essor au fameux lotissement pour fonctionnaires de la "loi Loucheur" en 1925. Quand on regarde la photo de ma cousine Jeannie Bouchinet, âgée de quelques mois (en 1924) sur le balcon de la maison Mirabello on voit avec stupéfaction en arrière plan une colline boisée d'oliviers parcourue par un simple sentier, à l'emplacement de ce qui deviendra plus tard le quartier Emile Alaux. Le petit tableau illustrant le même endroit fait par mon Grand-Père depuis le balcon de notre villa, dans les années 30, permet de juger de la transformation rapide de ce coin d'Alger qui conserve cependant encore un peu de verdure arborée et d'espace libre qui ont disparu sur la photo prise par moi, du même balcon, dans les années 50. (photo balcon Mirabello, 1924 + photo perso années 5O, ou dia 1960) Mon Grand-Père aimait beaucoup se promener. Il connaissait ces collines comme sa poche et, sans-doute, y rêva-t-il souvent, face à la mer, d'une demeure future. Il sauta donc sur l'opportunité de la Loi Loucheur et acheta dans les tous premiers un terrain bien placé du lotissement, de l'autre côté du boulevard (pardon, du chemin !), en face, à quelques mètres près, de la maison Mirabello qu'il surplombait d'une bonne quinzaine de mètres grâce au dénivelé, ce qui lui assurait une vue imprenable. (3) Une affaire de Famille Le lotissement se construisit très vite. Le petit monde des fonctionnaires, à Alger, était une famille, et celle-ci se plaisait à l'idée de partager les mêmes lieux puisqu'elle partageait, comme on dirait maintenant, les mêmes "valeurs". Beaucoup de choses, finalement, rassemblaient ces émigrés volontaires qui avaient choisi le service de l'état dans l'optique un peu particulière d'une aventure extérieure et d'une élévation personnelle loin des contraintes et des pesanteurs de métropoles européennes qui n'en finissaient pas de sortir du XIXème siècle. C'était, en Algérie, une classe en train de se constituer, souvent au départ de débuts bien modestes, et elle ne détestait pas l'idée de se forger en commun. On s'y rua sur l'occasion d'une promotion sociale par le foncier assortie de la disposition d'un havre "réservé", au bon ton "garanti", où tout le monde se connaîtrait et, plus encore, se reconnaîtrait. (lire aussi l'introduction de l'écran Pelletan en cliquant) Naissance de la villa en béton armé Ingénieur des Travaux Publics, et contraint à l'économie, mon Grand-Père fut son propre architecte et son propre entrepreneur. Il la réalisa lui-même avec l'aide d'un maçon italien (très doué !) et d'ouvriers arabes, dont le fameux "Rouget", fidèle et sympathique gardien du chantier, qui resta jusqu'au bout un familier de la maison.. Influencé par l'inquiétant tremblement de terre de 1924, vécu chez les Mirabello, et conforté par son expérience des TP, il la réalisa en béton armé bien ceinturé et l'implanta sur des piliers ancrés de plusieurs mètres dans la roche qu'on voit bien sur la photo de fin de travaux réalisée en 1927, avec la famille au balcon, pour saluer l'événement. (4) Pendant toutes les premières années du lotissement on l'appelait, à cause de cela, "la villa en béton armé". Cette photo paraît, à notre génération, presque surréaliste : la villa, seule sur la colline encore boisée, avec un Télemly, bordé d'herbes folles qui passe juste en bas. On voit même la borne qui délimite notre emprise. Plus tard il y eut un mur de soutènement assez haut, pour l'en isoler et peu de villas de la rue gardèrent un accès direct (et souvent malaisé) sur le boulevard. (photo 1927 de la maison sur la colline , en marge droite ) Très rapidement la maison Di Luccio se construisit derrière la nôtre et, un peu plus tard, la maison Delpy vint, dans l'alignement, la prolonger sur le terrain mitoyen. Le vaisseau sur la colline J'imagine volontiers le sentiment de satisfaction et de liberté que dut éprouver mon grand-père d'avoir enfin jeté l'ancre, d'avoir amarré sa famille à cette solide villa face à la mer dans une ville bourdonnante d'avenir et de projets. Quel parcours pour lui dont l'enfance (heureuse) était partie de la modeste terre de Longuepergue que possédaient ses grands-parents à Castelmoron dans le Lot et Garonne (si belle, elle aussi, dominant, à flanc de pente, la boucle paisible et majestueuse du Lot). Le 25 rue Emile Alaux était une construction assez simple mais agréable à vivre et bien agencée à l'intérieur. Elle disposait de quelques détails originaux : une fenêtre en ogive occultée par un vitrail formait une niche entre le salon et la loggia de la salle à manger dans laquelle trônait, éclairée à contre-jour, une reproduction, grandeur nature de la "Baigneuse" du sculpteur Falconnet ; la salle de bains, généreusement dimensionnée et éclairée par une vaste fenêtre, était inspirée d'une villa romaine de Pompeï. Les murs étaient recouverts de stuc vert artistement veiné et limité par des frises à la grecque. En guise de baignoire, on descendait par 3 marches dans une grande cuve qui fut, avec volupté, ma première piscine dans laquelle je faisais nager mes bateaux. (4) Toutes les boiseries étaient en cèdre odorant et les huisseries faisaient appel, chaque fois que possible, à des accastillages de marine en laiton bien briqué qui rappelaient à mon grand-père l'atmosphère de son "carré". De son balcon-loggia qui donnait un statut de "Large" aux portes-fenêtres de sa salle à manger, mon grand-père, enfin, dominait le port, la mer et la baie. Il ne boudait pas d'en profiter. (inclure ici une bonne photo couleur du panorama) La mer... Enfin ! (souvenir perso) Eté comme hiver, debout à 6 heures à longueur de vie, il se préparait le café des gens de mer (un filtre bien tassé arrosé d'une rasade de rhum de cale, du vrai, ayant navigué !) et seul devant son amour de jeunesse, le contemplait une petite heure, depuis cette plate-forme avancée qui avait des allures de dunette en dégustant l'instant à petites gorgées... Je l'avais compris. Enfant, quand j'étais réveillé de bonne heure, conscient de la magie du moment, je le rejoignais souvent sans mot dire et je tâchais de communier, dans la discrétion et le mutisme, comme c'est de règle sur une "passerelle". Il me versait (suprême honneur !) un peu de café brûlant dans un verre en pyrex maintenu par une timbale métallique à l'anse soigneusement protégée (que j'ai retrouvé et conservé) et tout d'un coup j'avais l'illusion d'être moi aussi un marin, silencieux et calme, à ses côtés, scrutant la mer depuis le pont de "l'hirondelle", le beau trois-mâts dont il avait sacrifié la barre à ma grand-mère. (lire l'écran "La Traversée"). Il ne m'en parlait jamais dans ces moments là mais il m'avait raconté son embarquement "coup de coeur", en 1898 (à 19 ans..) comme "pilotin", ses premières armes dans la m&airc;ture du "Rhône" (un 3 mâts-barque voguant vers les Antilles), ses classes, ensuite, sur "La Couronne" et son service dans la "Royale" comme Timonier breveté, sur la "Gironde" puis son école de la "Marchande" à Toulon, et (enfin !) son diplôme d'Officier au long Cours (en 1900). Son engagement comme Second, puis ses tempêtes sur l'Océan, ses escales aussi, à Cayenne, à Pernembouc, à Bahia, à Rio et sur les côtes d'Afrique. Et sa fierté, parti bord à bord du Vapeur (à roue) du port de St Louis au Sénégal, d'arriver régulièrement 3 jours avant lui, à quai, à Bordeaux... Il n'était pas frustré pour autant ! C'était au contraire un homme heureux de vivre (y compris sur le plancher des vaches), bien dans sa peau, et aussi drôle, et plein d'humour qu'il était à côté de cela, raffiné, cultivé, artiste jusqu'au bout des ongles et bon convive en société. Ceci étant dit, il ne plaisantait ni sur la morale ni sur la tenue, était exigeant avec la langue comme avec les manières, et restait ferme sur les principes. Il a beaucoup marqué ses quatre petits enfants. (5) Je lui dois une éducation solide, l'orgueil de porter son nom et l'essentiel des certitudes tranquilles qui ont balisé ma vie. Involontaire fracture du Temps Cette villa du 25 rue Emile Alaux fut le premier cercle de mon univers fini : la source et le rempart, le sanctuaire et le refuge. C'était la maison familiale, la "domus" familière, où les murs ont une âme ; Celle dont les repères sont si familiers qu'ils sont gravés à vie. On les retrouve les yeux fermés et ils se plaisent parfois à vous taquiner et à reprendre leurs droits en rêve. Il m'arrive encore à l'occasion, dans ce demi-sommeil qui précède de quelques nano-secondes le vrai réveil, de baisser la garde sans le vouloir et de laisser mon âme tricher : je sens tout d'un coup m'entourer, à leur place naturelle, les objets familiers de ma chambre de jeune-homme : A droite, la porte sur le couloir, toujours entr'ouverte, et, plus près de moi, la niche cintrée qui abrite ma penderie et les étagères où je range mes livres scolaires. Elle est masquée d'un rideau de reps rouge-brique qui sent la poussière d'été et vaguement la verveine car il vient de la Ferme, à Boufarik. Je le dois à mon cousin Pierre qui m'a précédé dans cette turne quand il était à Gautier. En face, la grande armoire normande, luisante de cire et d'ans, rassurante comme un ancêtre, au pied du lit ; A côté, dans l'angle près de la fenêtre, la glace étroite, au tain ancien et doux, qui coiffe la cheminée d'angle où se raccorde le poêle en fonte bleue, si utile en hiver, que je bourre sans vergogne de rondins d'eucalyptus les soirs où il fait frisquet. A ma gauche, enfin, dans l'autre coin, près de la fenêtre, le bureau "Arts-Déco" en bois noirci, aux lignes sobres et au plateau arrondi, sur lequel je travaille. Je le tiens de ma mère : c'était son bureau de jeune médecin ! J'ai l'impression parfois en griffonnant mes fiches de cours de m'entraîner à faire déjà des ordonnances ! Et je confonds, le temps d'un petit coup de c¦ur presque insaisissable, le bruit du boulevard Chasseigne, qui filtre par les volets de ma chambre poitevine, avec celui, si familier, du virage du Télemly. Petit instant de surprise aigre-douce et de bonheur étrangement coupable dont le réveil vous tire avec un pincement au coeur, vite balayé par la solidité du présent, le sourire du bon-sens et le "coup de chiffon" nécessaire de la raison. C'est égal : c'est étrange comme tout était "normal", tout d'un coup, pendant ces incroyables nano-secondes !... Le 24 rue Emile Alaux : une maison d'architecte au destin imprévisible.. En 1934, le cousin Gaston Bouchinet dont la situation devenait bien assise et qui logeait toujours à la villa Mirabello, acheta, juste en face de la maison de mes grands-parents, au 24, de l'autre côté de la rue, le dernier terrain disponible du lotissement, tout en hauteur, et plaqué contre la roche. La rue allait redevenir un couloir familial qu'on traverserait dix fois par jour dans les deux sens pour recréer l'ambiance déjà connue chez les Mirabello et bien avant. Il fit bien. Ce lot difficile qui avait rebuté tant d'autres acheteurs était en réalité très original. Le cousin Gaston était un artiste. Il avait commencé une formation d'architecte et possédait un talent qui eut fait son succès s'il avait choisi cette voie. Il partit du principe que lorsqu'on rencontre une contrainte il faut en faire un élément du décor. Dans cette épure stimulante, il fit merveille et conçut un magnifique projet d'architecte avec une gestion si élégante et audacieuse de l'espace intérieur et des volumes habitables qu'elle fut remarquée par un article dans une revue professionnelle, et lui valut une réputation de bâtisseur inspiré qu'il mit souvent au service de la ville où il était ingénieur. Cette maison hors du commun avait un charme unique (Cliquer ici pour voir l'encarté à part) et il est certain que le 24 rue Emile Alaux fut l'une des demeures les plus agréables à vivre et les plus harmonieuses que j'aie jamais connues. Elle continua (et continue, sans doute..) d'avoir un destin après lui... Resté jusqu'en 1964 pour assurer l'approvisionnement en eau d'Alger (qui fut toujours impeccable sous ses auspices), il la vendit (aux prix cassés de l'époque) à un jeune cadre politique plein d'avenir qui en tomba amoureux au premier coup d'¦il et n'était autre que le futur Président Bouteflika, maison qu'il possède sans doute toujours au 24 de l'ex rue Emile Alaux dont j'ignore le nouveau nom... À propos de cette cession, une anecdote sympathique mérite d'être contée (je la tiens de ma cousine Fernande, elle-même). Parmi d'autres originalités majeures (détaillées dans l'encarté), mon cousin (qui avait sans doute médité l'exemple du Grand-Père), s'était fait, lui-aussi, une salle de bains originale et particulièrement agréable. Sans vis-à-vis, elle donnait directement sur les arbres du jardin et sur la baie ensoleillée, par une grande fenêtre vitrée. Elle était traitée en style presque "mudejar" avec son carrelage de faïence bleue et ses mosaïques géométriques sur les murs, et si les vasques étaient traditionnelles, la baignoire innovait complètement. Le fond de la pièce, comme dans un hammam, était occupé par une banquette un peu haute, en mosaïque dans laquelle était aménagée une sorte de bassin peu profond, en carrelage de faïence bleue qui réussissait à avoir un air bien plus aimable et engageant qu'un simple réceptacle de salle de bains. L'eau y arrivait en pente douce, en glougloutant depuis des robinets muraux, par l'intermédiaire d'une sorte de cascade couverte du plus bel effet. Une vraie invitation ! On était dans la touffeur des premières chaleurs d'été et Madame Bouteflika tomba, elle aussi, sous le charme. Pendant que les hommes discutaient, en bas, dans le vaste séjour, elle sollicita de ma cousine Fernande la faveur de s'y doucher. Et c'est ainsi que Madame Bouteflika étrenna sa nouvelle salle de bains avant-même que le contrat ne fut signé. Le 24 rue Emile Alaux joua également un rôle dans le quartier pendant les bombardements de la guerre 39-45 car mon cousin y avait fait creuser dans la roche (avec l'aide de la mairie), un abri anti-aérien assez vaste où tous les voisins se réunissaient pendant les alertes. Mes cinq ans ont gardé un souvenir plus amusé et curieux que véritablement angoissé de ces expéditions nocturnes, sur fond de sirène. Tout le voisinage convergeait dans des tenues variées, pour ma part, souvent en liquette de pilou (car, hélas, elles sévissaient encore !) vers cette caverne artificielle qui m'impressionnait un peu car elle avait cette touffeur moite et un peu moisie des entrailles de la Terre. Des mondanités finissaient par s'y installer parmi les dames, à l'arrière, tandis que les hommes à l'entrée, très détendus, commentaient avantageusement les impacts et les bruits tout en se rétrocédant, à tour de rôle, la meilleure place à la porte (isolée par une chicane), en contravention formelle avec le règlement. Je me souviens aussi d'une Dame, plus craintive que les autres, qui arrivait, très digne, avec une casserole retournée sur la tête. cliquer pour la suite : La rue Emile Alaux : état des lieux (1) Mon Grand-Père était parti le premier, en éclaireur, en 1904, pour voir si ce pays neuf convenait au couple plein d'espoir qu'il formait avec sa fiancée, Julienne Gabis, jeune Professeur de Sciences, sortant de Fontenay après une enfance douloureuse d'orpheline. Il venait de lui sacrifier, sans états d'âme, une belle carrière de marin. Coup de foudre pour ce pays neuf somptueusement beau où tout restait à faire. Il n'eut aucun mal à persuader Julienne et, du même coup, sa soeur aînée Maria, également enseignante comme son mari Léonce Bouchinet car les deux s¦urs étaient très proches .Les deux couples traversèrent la Méditerranée ensemble, en 1905, sur la "Marsa". Léonce Bouchinet obtint un poste avec sa femme au collège de Médéa tandis que ma Grand-Mère contribuait à fonder l'Ecole Normale de Jeunes Filles de Miliana. Mon Grand-Père, de son côté prenait en charge les Ponts et Chaussées de cette circonscription. Miliana, Médéa, c'était à côté et ils se réunissaient aussi souvent que possible car les deux beaux-frères s'appréciaient et s'entendaient. Tout naturellement ils prirent l'habitude de se regrouper chaque fois que possible. J'ai une photo assez touchante de cette époque où on les voit au sommet du Zaccar avec un ami arabe en belle tenue traditionnelle (les rapports entre les deux communautés étaient bien meilleurs, à ce moment là, qu'on ne l'a, ensuite, prétendu). Je vous livre cette photo, très significative d'une Algérie qui restait bon-enfant. (photo) Quand mon Grand-Père, comme tous les hommes de Miliana, partit en 1914 (rejoindre le Front d'Orient), ses amis montagnards du Zaccar lui dirent (sic) : "tu peux partir tranquille, on s'occupe de la Femme et des enfants". Ils tinrent parole. Ma Grand-Mère pendant quatre ans ne manqua jamais de rien (oeufs, volailles, gibier, bois et charbon) et fut approvisionnée régulièrement en lait de chèvre. Elle trouva toujours des bras pour l'aider aux tâches masculines, tandis que mon Père, petit garçon, était choyé comme un fils et entouré comme un petit Homme. Il ne l'oublia jamais. C'est lui qui me l'a raconté. (2) Ils devaient la conserver Rue Emile Alaux (24 et 25) et, le pli étant pris, j'habite toujours à Verdun-sur-Garonne en face de ma cousine Jeannie Bouchinet, devenue Madame Poggi, à quelques mètres de la maison où nos deux grands-mères naquirent. Il y a des boucles qui s'accomplissent naturellement. (3) Elle fut malheureusement en partie occultée et morcelée par la construction progressive d'immeubles en dérogation de hauteur mais il restait quand même une très belle vue, de face, et sur l'arrière-port de l'Agha ainsi que sur le Sud de la baie. (4) Ces piliers délimitaient un espace ouvert mais protégé qu'on appelait "sous la dalle". J'y trouvais refuge pour mes jeux, les jours de pluie. (5) Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agissait pas de luxe mais de facilité et même d'économie : le maçon italien de mon Grand-Père était un as du stuc et faire un coffrage en béton coûtait moins cher, à l'époque, qu'acheter une belle baignoire en fonte émaillée ou en faďence, importée de France... Vers 1950, pour des raisons de commodité (et d'économie d'eau !) mon Père fit tout de même installer, une vraie baignoire, et je le regrettais ! (4) Lire le beau poème de ma soeur Marie-Françoise : "In memoriam". (cliquer sur la photo pour le texte) photo Marie-Françoise Illustrations prévues pour la 1ère partie : Tableau Armand Assus : Le Télemly (1900) Photo balcon Mirabello Tableau Hervé Jacqueminv Photo JLJ années 50 Photo mer vue du Balcon Photo Miliana (en note) |