MES ANNÉES 90, par Gérald Dupeyrot
Il va de soi que je raconte cette période comme je l'ai vécue,
par le tout petit bout de ma lorgnette,
ne prétendant pas à l'objectivité, et encore moins à l'exhaustivité.
J'ai quand même, chaque fois que celà fut possible,
essayé d'illustrer mon propos de documents qui l'étayaient.
Il est possible que certains ne s'y retrouvent pas entièrement,
ils auront à coeur de donner à leur tour, par ailleurs,
leur propre récit de cette période.




1989 : Séparation d'avec AFH et la publicité.

Ex Machina, Paris, 1989-1991

 


   Xavier Nicolas, Directeur Général de Ex Machina (sans tiret !), toute nouvelle première boîte européenne de production de films en images de synthèse (1), a appris par un ami commun que je commence à m'ennuyer ferme dans mon agence de pub. Dix ans d'une même occupation, même très diversifiée et plaisante, même plus que très bien rémunérée, c'est pour moi une longévité déjà excessive ! Ma "date de péremption", même dans cette agence que j'ai créée, est atteinte, et la pub commence à me peser ! Il est assez notoire aussi que je suis un groupie de toujours du cinéma d'animation, que je commets régulièment des articles à ce sujet dans la presse de la création publicitaire, que je connais bien le cinéma d'animation commercial pour avoir créé, organisé et animé les colloques sur la pub "image par image" dans le cadre des festivals d'Annecy de 1983, 85 et 87.

   Cet ami est l'un des réalisateurs "maison" de Ex Machina. Ce doit être vers le début de 1989... L'ami en question organise un dîner où il nous présente. Ça se passe chez lui, place du 18 juin 1940, au bout de la rue de Rennes. À la fin du dîner, Xavier me propose de prendre en charge la direction du développement de sa société, qui vient tout juste de se constituer. Je ne connais rien à l'image de synthèse. Je le lui rappelle. Sa réponse est "nobody's perfect", ou quelque chose comme ça... La gentillesse et l'humour de Xavier sont désarmants ! Et sa force de persuasion irrésistible ! Il ne serait si charmant, on dirait que sa volonté est inflexible, et à sa façon, oui, elle l'est ! Le lendemain, il me fait parvenir un billet d'avion, une réservation d'hôtel, et un abonnement pour "le Forum des Nouvelles Images" IMAGINA, qui s'ouvre dans quelques jours à Monte-Carlo. Ce sera du 8 au 11 février. Des films passés lors de cet Imagina-là, rien que "Technological Threat" de Bill Kroyer, "Sio Benbor II" de Georges Lacroix, "Tin Toy" de John Lasseter, ou "Wired" de David Botterel, rien que ces quatre-là auraient suffi à me convaincre de rallier l'aventure à laquelle me convie Xavier ! (cliquez sur les titres pour voir les films)

   À mon retour de Monaco, des images calculées encore plein les yeux, je dis "banco" à Xavier. Quelques jours après, une fois que je me suis assuré de mes conditions d'emploi à Ex Machina et de ce que vont être mes contrats, j'invite François, mon associé depuis 1981, à déjeûner dans un restaurant proche de notre agence, et je lui annonce que je m'en vais. Nous sommes le 27 février. Il s'y attendait, et apparemment, par avance, s'y était résigné. Je lui expose comment je prévois ma succession dans un délai assez bref. J'obtiens de lui et de Xavier de travailler aussitôt à mi-temps sur les deux sociétés à la fois, et, passé le mois de mars, je commence officiellement mon nouveau job à Ex Machina le 1er avril 89. Ce jour-là, j'écris à François trois pages faisant le point sur la façon dont s'est opéré depuis le 27 février mon désengagement en douceur auprès des clients d'AFH (CLIQUER ICI POUR CES 3 PAGES). Pendant les mois qui suivent, et en accord avec Xavier, je vais continuer d'apporter mon concours à AFH, histoire d'aider à cette transition indolore. Je pense avoir fait les choses bien proprement, et clairement, et efficacement.




   C'est je suppose l'une des raisons pour lesquelles, le jeudi 22 juin 1989, François, grand seigneur comme à son habitude, m'offre à l'agence, rue Léon Frot, une fête d'enfer en guise de pot de départ. Il a fait imprimer une invitation, avec dessus une caricature de moi pondue par le cher Gilles Bach, notre graphiste et illustrateur "maison". Tous nos clients, tous nos fournisseurs sont là. Je reçois un tas de cadeaux qui me font très plaisir. Mais celui qui me touche le plus, c'est que pour l'occasion Christine Hulin (cliquez), notre associée et amie qui a déjà quitté l'agence depuis une bonne année, est spécialement revenue d'Annecy. Elle est accompagnée d'un grand jeune-homme blond inconnu de nous, svelte, élégant, et taiseux, Olivier Cardin. Son nouvel employeur… et certainement plus que ça... Elle chuchotte, elle chuchotte, la rumeur ! Olivier deviendra son mari, et notre ami, à Françoise et à moi. Ce sera pour nous un grand moment de bonheur que d'assister à leur mariage (cliquez), dans juste vingt ans, en la lointaine année 2009.

   Oui, revenons à Ex Mach… Le défi de Xavier est intimidant et déconcertant : "On fabrique du film à 1MF la minute, et, à part pour des publicités, on ne sait pas comment vendre ça. Tu prends ?", m'avait-il intimé lors de notre dîner initial. Et j'ai pris. Tâche titanesque… Xavier se révèlera un patron efficace, entreprenant, confiant… et un ami.


Ici, une disgression un peu longue…

   De tout ce que je lui dois, je mentionnerai qu'il m'a présenté un jeune graphiste au talent singulier et fascinant : Pierre Clément. Jusqu'à cette année 89, Pierre a réalisé une très belle pub en dessin animé "Reynolds, les mots s'amusent", et le générique de l'émission "La Vie des Animaux". Entre 1983 et 1986 il a aussi livré pas mal de dessins à "Métal Hurlant", dessins réunis l'an dernier en un premier livre "Danger, passage d'animaux". En 1991, il en publiera un second regroupant bon nombre de planches "touristiques" de son univers, livre qui sera pour moi un ravissement absolu : "TRALALADJAHAL".




Des extraits du Storyboard de "Tralala, le Ride".
Cliquez pour bien tout saisir de son éblouissant mode d'emploi.

   Pour la société californienne Ridewerks, Pierre, à ma demande, va proposer un "ride" (8) d'une délicatesse et d'un humour infinis. Son scénario est on ne peut plus malin et original, et il invite à une visite aussi vertigineuse qu'émerveillée de l'univers de Tralala (cliquez ci-dessus pour vous en rendre compte). Mais bon, ce sont des américains… et ils pensent d'abord à un public d'Américains.

   Notre nouvel interlocuteur chez Ridewerks, Damon Danielson (qui en 91 sera promu "senior vice president of creative affairs"), à qui je présentais les trois projets (selon la fameuse règle "des trois offres" apprise dans mes vieux cours de commerce), n'eut pas l'ombre d'une hésitation : "This one !", dit-il en pointant son doigt sur l'un des deux autres beaux dossiers que Xavier et moi lui soumettions. Je me souviens que ça se passait à Paris l'été 1990, dans un salon de l'hôtel Raphaël, près de l'Étoile, où nous lui avions donné rendez-vous.




Quelques unes des illustrations de Jean-Christophe Villard
pour le dossier de ce projet de Ride Sous-marin.
Cliquez sur chacune pour agrandir.

   "This one !", s'était exclamé Damon : son choix s'était porté sur un "ride" sous-marin, "le Trésor du crabe". J'avais demandé au génial réalisateur de dessins animés Jean-Christophe Villard de l'illustrer. Par raport à la mouture finale de ce que serait ce "ride", le script proposé à Damon intégrait déjà des champs de mines (en fait de méduses explosives), un poulpe géant menaçant de broyer notre habitacle (imaginez les craquements !), une cité antique dont les monuments renaissaient de leurs ruines, et surgissant des profondeurs des eaux, manquaient de nous percuter, un combat final pinces contre pinces avec le crabe démesuré protecteur du trésor, et quelques autres dangers sous-marins. Il sera ensuite aménagé, modifié, et porté à son optimum par Jean-François Henry et Jerzy Kular, pour devenir "S.O.S., Sub-Oceanic Shuttle".

   Le "ride" une fois terminé sera présenté à Imagina 1992, où il va remporter le Grand Prix européen et le prix du film de simulation. J'aurai alors quitté Ex Machina depuis un an, mais je ferai l'agréable constat (pas vraiment une surprise, Xavier ne m'a jamais déçu) de voir mon nom cité au générique de "S.O.S.", en une dédicace à part, bien en vue, pour des "special thanks", des remerciements particuliers. J'étais avec Frédérique Doumic, notre chère petite attachée de programme de France 3, avec qui je faisais alors l'émission Télétoon, nous sortions de cette séance et elle me posa la question de cette présence assez étonnante au générique. Je me rappelle lui avoir répondu, un peu troublé par cet hommage aussi inattendu qu'ostentiblement public, "eh, j'ai été à la peine, aujourd'hui me voilà à l'honneur !". Je ne sais si je me prenais pour l'étendard de Jeanne d'Arc, en tout cas, modeste mais fier, je fus très touché de cette attention de Xavier, témoignant gratitude et élégance. Il ne cessa pas de considérer que, même ayant quitté Ex Mach, je continuais de faire partie de son encore bien courte histoire.

   Ainsi, le 16 novembre précédent (1991, donc, j'avais déjà officiellement quitté Ex Mach depuis huit mois), Xavier m'avait envoyé une carte postale depuis Orlando (elle représentait Mickey, cliquer ICI) où se déroulait le IAPPA (congrès annuel de l'"International Association of Amusement Parks and Attractions"), pour me dire que "le Ride SOS semble être un succès, peut-être même le meilleur film de simulation présenté ici". Nous avions travaillé dur pour que ce film aboutisse, et il avait à coeur de me faire partager la satisfaction de cet aboutissement heureux. Inutile de m'étendre davantage pour dire combien ces marques d'attention pouvaient me toucher ! J'en connaîtrai d'autres, plus tard, qui au contraire s'efforceront de caviarder tout ce que leur société et eux-mêmes pourraient devoir à leurs collaborateurs des débuts. Deux caractères, deux attitudes à l'opposé l'une de l'autre par rapport aux relations humaines et à la vie. À son retour d'Orlando, Xavier m'informa que Damon avait démissionné, pour désaccord avec Stan, le patron de Ridewerks. Damon y sera donc passé juste le temps de produire "notre" SOS ! En 2011, sur les écrans internet de SimEx-Iwerks (les deux sociétés ont fusionné en 2002), on peut encore trouver "SOS" au catalogue des spectacles proposés, et même en voir un échantillon ! (cliquez, puis cliquez sur "WATCH" !)




Image de "S.O.S.", tirée du catalogue Ridewerks de 1992. Cliquez pour agrandir.

   Pour en revenir à Damon Danielson, et à sa décision, il faut dire que, s'il avait opté pour le ride sous-marin, c'est qu'il connaissait bien les marchés de Ridewerks. Quiconque a posé ses fesses sur les fauteuils des spectacles des parcs d'attraction d'Amérique du Nord, sait que la subtilité et la poésie ne sont pas forcément des parti-pris judicieux, en adéquation avec les attentes des publics de ces shows. Une bonne course de stock-cars, ou un train qui casse ses freins une fois parvenu en haut d'un col, ou une simple et bonne descente de piste de bobsleigh sont des motifs de vertige et de trouille très appréciés.

   Le troisième projet de "ride" que ce jour-là Xavier et moi proposâmes à Damon et à Ridewerks, "La recette du gâteau à la banane avec du chocolat par dessus" (plus sobrement et laconiquement intitulé en anglais "Be a bee !"), c'était pour les spectateurs miniaturisés emportés dans la nacelle accrochée sous une abeille à la Winsor Mc Cay, un parcours syncopé parmi les 1001 dangers d'une cuisine au graphisme "années 40", au fil de la préparation de cette recette américaine typique, sur un rythme country échevelé. Les ustensiles, menant leur vie propre et fonctionnant selon d'imprévisibles et dangereuses initiatives, menaçaient à chaque seconde les spectateurs d'être moulinés, mixés, rissolés, épluchés, concassés, hachés, battus en neige, pétris, enfournés et cuits. Une partie des ustensiles (partiellement anthropomorphosés) composaient le choeur, à la manière des films publicitaires d'Oscar Grillo, d'autres, comme cette poche à crème ou cette moulinette furieuse donnaient la chasse à notre fragile vaisseau, bref, une joyeuse dinguerie !

   Le projet renouait avec les standards des grands cartoons burlesques, mais ceci le rendait - d'un point de vue "marketing" - d'une audace difficilement envisageable. Et pour dire vrai, à côté de la plaque, ou "pas dans la cible", comme disent les publicitaires ! Mais il nous fallait un troisième projet "faire-valoir" qui eût l'air d'avoir été pensé pour lui-même, et pas juste comme un faire-valoir. Notez qu'un tel "ride" reste encore à inventer ! D'autant qu'en modifiant la recette, et donc ses ingrédients, la liste des possibles sponsors est infinie. Mais encore une fois, ce projet n'avait été conçu que pour orienter le choix de nos prospects vers l'un des deux autres. Notre préférence, celle de Xavier comme la mienne, allait à "tralala", tout en sachant bien que c'était le "ride" sous-marin, "le Trésor du crabe", qui avait toutes les chances de séduire nos interlocuteurs. Et - ainsi que je le raconte plus haut - c'est bien ce qui se passa.

   Damon est un homme de goût et de culture, et Stan, son patron, également, puisque ce dernier me révéla par la suite que, même s'ils avaient opté pour le ride sous-marin, leur "personnal first choice is Tralala" (j'ai conservé le fax de Stan du 12 septembre 1990 où il me faisait part de ce regret).

   Pas rancunier, Pierre Clément fera quand même de moi l'un des "maçons palatins" de Tralala. Honneur d'autant plus immense qu'il est virtuel ! L'oeuvre de Pierre m'enchante, me fascine. Elle appelle impérieusement le mouvement et l'animation, la mise en perspectives grâce à l'image de synthèse et la vision en relief ! Pourtant jamais je n'arriverai à produire pour Pierre un seul film, malgré tout le désir que j'en aurai. Ni plus ni moins que d'autres qui s'y seront aussi essayés, certes, mais l'un de mes gros regrets quand même.



Fin d'une disgression un peu longue, retour en avril 89…

   Pardonnez-moi cette longue disgression à partir de Pierre Clément, mais il la vaut bien, croyez-moi (pour finir d'en être convaincu, visitez son site perso, vous m'en direz des nouvelles). Revenons en ce début de 1989. Donc, je commence officiellement à Ex Mach le 1er avril. Tout Ex Machina est à ce moment considérablement investi dans la fabrication de "Paris 1789", un film de 10 minutes commandé par le comité du bicentenaire de la Révolution. Je vois ça de loin, n'apportant ma modeste contribution que pour sa promotion lors du festival d'Annecy (j'en parle plus bas). Il ne me faut que quelques jours pour rendre à Xavier et à sa hiérarchie (le 5 avril) mon memo qui est en fait une étude des marchés de l'image de synthèse, et sur les orientations que je préconise pour la société : se placer sur les domaines des films pour les salles IMAX-OMNIMAX (genre La Géode), pour les expos internationales, et pour les parcs d'attraction, en particulier les "rides" (8). J'expose mes vues sur les moyens de parvenir à nos fins, et je complète mes préconisations par les coordonnées et les profils des sociétés que nous devons cibler.

   À cette étude, je joins en bonus un "repérage" de sujets de films et spectacles possibles, non encore abordés en ces domaines. À l'époque, les acteurs de ces marchés privilégiaient la vulgarisation scientifique, d'où les projets que nous allions développer pour "amorcer" les prospects que nous envisagions de draguer : le somptueux "Cosmogonies" de Pascal Roulin, qui deviendra "Gaïa", et deux autres projets de films pour le marché IMAX, "Les 7 rêves de pierre", sorte de road-movie lyrique sur les 7 Merveilles du Monde que j'élabore avec la collaboration de Jean-Pierre Adam, le non-conformiste archéologue-historien de l'architecture, et "Smellnapping", film pour l'IMAX avec carte "scratch'n sniff", ayant trait à l'odorat, l'un des rares sujets à priori non-audio-visuels ! Xavier se montre d'emblée en phase avec ces orientations. Il faut dire que j'avais déjà esquissé ces vues lors de notre dîner, c'est même, je pense, ce qui l'avait décidé à me proposer la mise en place et la direction de cette fonction de développement. Et je n'avais cessé depuis, en particulier lors de la semaine passée à Monte-Carlo, au fil des contacts que je prenais et des films que je voyais, d'enrichir cette réflexion, et de sentir que nos pistes de développement étaient les bonnes.


Pas plus tôt dessiné le logo de Ex Mach,
que nous voici avec nos cartes de visite flambant neuves !
Prêtes pour que nous les répandions aux quatre coins du Monde !
Elles avaient de la gueule…
(cliquez pour toucher le grain du bristol  La classe, non ?)

   Xavier obtient le feu vert de sa hiérarchie pour que nous allions dans ce sens… Début juillet 89, une fois passé le festival d'Annecy et avant les festivités du 14 juillet où sera présenté "Paris 1789", j'organise pour les cadres d'Ex Machina, Pascal Bap et Thierry Barbier, et Pascal Roulin, l'un des deux réalisateurs "maison" (Jerzy Kular, vraisemblablement pris par les suites de la "sortie" de "Paris 1789" n'avait pu se joindre à nous), un voyage d'initiation aux "formats hors normes". Nous rendons visite à la société IMAX, à l'Office National du Film (ONF), et à différentes autres sociétés canadiennes devenues spécialistes des "grands formats" depuis l'historique exposition universelle de Montreal en 1967. Le 5 juillet, nous nous posons à Montreal, nous descendons pour une nuit au "Château Versailles" (cliquez pour le bulletin de réservation des quatre chambres).

   À Toronto, nous nous retrouvons perdus dans une foule de milliers de pépés et mémés à chéchias qui ont tout envahi : nous faisons la connaissance des "shriners", une charmante confrérie maçonnique de bienfaisance, composée de retraités friqués, typiquement nord américaine, qui cette année tient ici son congrès annuel (j'en ai parlé ICI). Le voyage suivant sera pour des sociétés californiennes, dont "Mac Gillivray films", "Rythm and Hues", "Bob Rogers" (producteur de "Flower Planet", premier film de format Imax en dessin animé, en cours de finition, que nous verrons bientôt à l'expo d'Osaka 90), et surtout Iwerks-Ridewerks (la société qui commandera à Ex Mach son premier "ride")…



Trois images de "Flower Planet", de Bob Rogers
(© BRC Imagination Arts)

   Notre handicap, et il est de taille, nous vient de la présidence de Thomson, relayée par celle de Ex Machina, qui, par une défiance absolue vis à vis du monde de la production, et de pure posture, hors de mise ici, interdisent absolument que Ex Mach produise soi-même les films que nous aurions développés. Ce qui signifie qu'à chaque fois, il nous faudra trouver, aux conditions de la hiérarchie Thomson, un producteur qui accepte de reprendre et de porter des projets au sortir de notre "pépinière". Alors que ce genre de films ne ressort pas de la production "classique" aux succès aléatoires, mais s'apparente aux films de commande, comme ceux qui - commercials, génériques ou autres - font le chiffre d'affaires habituel de Ex Machina. C'est "compliquer encore la complication", pour reprendre une expression qui fut celle de mes amis Haddock et Herskovitz ! Les deux premières "grandes" productions que nous allons développer et mener à bien vont heureusement déroger à ce schéma !


Cliquez sur chacune des deux pages de la Synthèse pour les agrandir.


   À côté de mon boulot de mise sur pied de projets hors-normes, et de celui consistant à développer notre production de films institutionnels, je m'attelle aussi avec beaucoup d'enthousiasme à la communication d'Ex Machina. J'invite individuellement des personnalités susceptibles d'avoir recours à la synthèse - ou de la préconiser - à venir nous rencontrer : Jean-Claude Mézières, père de Valerian et Laureline, vient nous rendre visite le jeudi 10 août 89 (2). Une autre fois ce sera Jean-Claude Carrière, d'autres suivront… Non, je ne collectionnais pas les Jean-Claude célèbres ! Pour initier au film en images de synthèse des réalisateurs de films dits "industriels" ou "d'entreprise", ainsi que les producteurs, techniciens et commanditaires avec lesquels ils travaillent, j'organise des après-midis "portes ouvertes" qui connaissent de vrais succès (3).

    Je crée aussi le journal d'entreprise "La Synthèse", dont Thierry Steff, bénévolement, assure la maquette. De même pour la photogravure que nous offre M. Houix ("Droopy" entre nous), dont la boîte, Ferrygravure, est le fournisseur attitré depuis de longues années de mon agence de publicité. J'avais fait miroiter à "Droopy" le nombre de décideurs d'entreprises qui allaient être touchés, ce qui ne serait pas faux, puisque "La Synthèse" va être tirée à 2.000 exemplaires, adressée à tous les décideurs inscrits au CEDFI et à l'APRAC (voir en 3 ci-contre), et sera diffusée largement à Imagina en février 1990. Bref, je me donne à fond, en y mettant le meilleur de ce que je sais faire.

    Pour illustrer dans "La Synthèse" la rubrique "l'infographiste animalier de l'année", je me souviens même d'être allé acheter, du côté de la gare du Nord, un chapeau à voilette chez un vendeur de fournitures pour l'apiculture. L'achat date du 7 janvier 90, j'avais noté sur le talon du chèque (ce qui reste quand on a tout oublié) : "chapeau+voile apiculteur, 128 Frs". C'était un caprice espiègle et très approprié du réalisateur Philippe Billion pour la photo où il présente Pénelope, son abeille "aux véritables" 2.500 poils aux pattes", coincée à l'intérieur du tube cathodique d'un moniteur video, ou de votre télé ! (ami, entends-tu l'agaçant crissement de ses pattes velues sur le verre de l'écran ?). Philippe s'était beaucoup amusé de son idée, et encore davantage du résultat quand il le vit. Pénelope fait la "UNE" de "La Synthèse", en plus gros même que "Paris 1789" ! Cette année, Philippe a aussi créé une raie manta sublime, avec les reflets de la surface de l'eau jouant sur sa voilure et sur le fond sableux sous elle. Elle va m'être d'une utilité décisive pour convaincre nos prospects d'outre-atlantique du savoir-faire d'Ex Machina, elle va en particulier contribuer à décider Ridewerks à nous suivre sur le projet de "ride" sous-marin que Xavier et moi allions proposer à Damon Danielson.




Philippe Billion, "infographiste animalier" de l'année 1989,
devant son abeille. Photo de G. Dupeyrot, extraite du magazine "La Synthèse".
Philippe nous a quittés en novembre 2010.




… il est aussi l'auteur du somptueux ballet de raies manta dont la présence
sur la bande démo d'Ex Machina ne nous aida pas peu
à vendre notre projet de "ride" sous-marin à Ridewerks.
(cliquez pour agrandir)

   On ne s'en rend pas compte aujourd'hui, 20 ans après, en cette fin de première décennie du XXIème siècle, alors que vient de sortir "Avatar" de James Cameron, mais en ce temps-là, une abeille avec de "vrais" poils, ou des raies manta aussi réalistes étaient des avancées enthousiasmantes ! Et toute innovation provenant d'un autre studio était un défi à relever, un nouveau savoir-faire à intégrer ! Par exemple, la langue d'eau et son visage que caresse du doigt Mary Elizabeth Mastrantonio dans "Abyss" (cliquez pour voir la séquence) du même James Cameron, sorti cette année 89, nous avait puissamment scotchés.




   Nous étions très fiers des bancs de brouillard flottant sur la Seine dans "Paris 1789" ! Comme nous étions très fiers de nos ingénieurs, de nos infographistes et de nos réalisateurs ! Tout était à inventer dans le domaine de l'image de synthèse ! Les mini chef-d'oeuvres de Daniel Borenstein, que ce soit son superbe Minotaure dansant avec Ariane (1, pour un spectacle de Michel Jaffrenou, "Videopérette", dont la première a lieu le 30 mai 89), ou son simple rideau agité par le vent (2, "Rien qu'un souffle", produit lorsqu'il fut chez Videosystem en 1992), étaient des moments de quasi science-fiction technologique et artistique ! Ils n'étaient pas expérimentaux au sens de films exceptionnels, d'expériences sans lendemain, non, tout au contraire ils étaient l'avant-garde de savoirs-faire qui deviendraient la norme, ils étaient la préfiguration d'outils qui viendraient au fur et à mesure enrichir la trousse des possibles disponibles. Et c'était, je crois m'en souvenir, la même allégresse dans toutes les boîtes de films en images de synthèse de la planète !


   Ainsi, la technique du "particle system", dont on venait de voir à Imagina 89 un innovant et poétique usage avec le film de Karl Sims ("Particle Dreams" (3), trouva aussitôt, la même année, de multiples applications, avec en particulier les trucages d'Ex Machina pour le long-métrage "Les 1001 Nuits" (le tourbillon s'élevant de la lampe et donnant naissance à Gérard Jugnot en génie, et, ci-dessous, inversement).





Pascal Bap et Christian Guillon entourant la lampe à laquelle ils vont se frotter !
Photo de G. Dupeyrot, extraite du magazine "La Synthèse".

   En fait, il n'était pas un film qui ne fût un morceau de bravoure, tant tout souhait créatif des réalisateurs (4) devait aussitôt se traduire par une considérable éruption de jus de chapeau de la part des ingénieurs informaticiens ! (5) Tous adoraient leur métier, ils se plongeaient dans cette quête sans cesse relancée avec une application infatigable (des visages étaient penchés sur les écrans quasiment 24 heures sur 24 !) et relevaient les défis avec un appêtit toujours renouvelé.

   Oui, je parlais d'appêtit au sens figuré, mais effectivement, la passion ne faiblissait pas, même lors des déjeûners pris en commun à la "Galère des Rois" ou, quand c'était du sérieux, avec le Président ou la secrétaire générale, au "Perroquet Vert" (6) ! C'est cet esprit pionnier, cette nouvelle frontière toujours en progression dont rendaient compte chaque année des festivals archi-pointus, Imagina, Siggraph, Nicograph, Parigraph, N.C.G.A. et autres, un monde nouveau et un monde en marche ! Devant les écrans, nous allions d'étonnement en étonnement, et en même temps nous étions partie prenante de cette sève, de ce bouillonnement. C'était exaltant ! Je n'étais ni créatif ni technicien, rien qu'un "commercial" et un monteur de projets, mais j'élaborais des perspectives pour servir cette nouvelle imagerie, et nous servir d'elle, je participais de cette euphorie, c'était aussi mon quotidien.



Mon badge au Siggraph 1990, du 6 au 10 août 1990 à Dallas…


… et au N.C.G.A. du 19 au 22 mars 1990, à Anaheim, en Californie, où,
lors du dîner de gala du 20 furent récompensés "The Bee" de Philippe Billion,
et "Paris 1789", ainsi que "Locomotion" de PDI, et "Knickknack" de Pixar.
Quelle belle soirée ! Oui, il y a une faute, mon prénom n'est pas Ofrald !

   Beaucoup de travail, beaucoup de week-ends loin des miens et de temps personnel sacrifié (en atteste ici le chrono de mon été 90), beaucoup de voyages, aux USA, Japon, Canada (7), cours d'anglais intensifs et "training" de relationnel à la japonaise donné par des spécialistes de l'export chez Thomson, beaucoup de suspense, beaucoup de fausses joies, de fausses pistes, beaucoup aussi de pression pour le moins inappropriée de la part de la présidence d'Ex Machina. Je ne parle pas de Xavier, je parle d'au-dessus de lui, Xavier au contraire fit de son mieux pour me protéger des relances et ingérences intempestives, il s'efforça de m'assurer le maximum de sérenité pour me permettre une action opiniâtre de longue haleine, que nous entreprenions avec des moyens tout juste suffisants. Il croyait aux objectifs que nous nous étions fixés, et, avec à la fois beaucoup de détermination et tout autant de diplomatie, il fit ce qu'il fallait pour que ça aboutisse. Il répondit pleinement à l'idée et à la définition qu'on peut se faire d'un chef.

   Finalement, au bout de presque trois ans d'efforts et de péripéties (trois ans puisqu'elles se continuèrent encore après mon départ "officiel" fin mars 1991), nous aboutîmes aux deux premières productions d'Ex Machina pour les écrans géants et parcs d'attraction.



Premières images du film au fond du puits d'images… (© Pascal Roulin)



      

      

      

   En cliquant sur chacune des vignettes ci-dessus, découvrez le storyboard "d'évocation" créé par Pascal Roulin. Pascal avait adroitement transposé son superbe projet "Cosmogonies", l'un de ceux que nous avions dans nos cartons pour notre prospection. Ce que vous voyez ici fut la toute première version de Gaïa. Le 2 octobre 1990, je la fis parvenir à Michel Deplanté de Matra Espace, elle eut l'heur de leur plaire beaucoup. Il la fit remonter à son Président, et de là, elle aboutit à l'Élysée… Le 15 novembre, Michel Deplanté m'informait que Régis Debray, conseiller de Mitterand, n'en voulait pas. "Pas assez ouverte, ne laisse pas de place aux apports" (sic) écrivait-il (j'ai conservé le courrier). Il apparut que c'est surtout aux apports de Philippe Cayla, alors Directeur Général Adjoint de Matra Espace et Directeur de la Stratégie de Matra-Marconi Space, qu'il fallait faire de la place. C'est à lui que reviendra en définitive "l'idée" de Gaïa (cf. la mention de son apport sur l'affiche reproduite au bas du présent écran). Jusque là, on le connaissait comme technocrate et homme de conseils d'administration plutôt que comme auteur de films graphiques. Une vocation tardive, peu justifiée au vu du résultat. Notre République est ainsi pleine en ses sommets de riches personnalités qui savent tout mieux que quiconque et sont parés des talents de toutes les muses. "Gaïa", pourtant parti pour être une sorte de joyau filmique sidérant et exceptionnel, n'avait hélas pas besoin de cette immixtion comme un coup de pavé de l'ours !

   Après ce soupir sur ce qu'aurait pu être Gaïa, on se consolera en se disant que d'un point de vue bassement commercial, cette première proposition de Pascal, qui n'en finira pas ensuite d'être aménagée et trahie, permit au moins d'amorcer la pompe, et d'en déduire les versions suivantes. Après bien des incorporations et concessions, n'ayant plus grand chose à voir avec la version ci-dessus, la septième mouture (oui, vous avez bien lu, la 7e !) sera la bonne, approuvée enfin par "les hommes du Président". La version initiale de Pascal, vrai projet d'artiste, vendait en douceur l'image des deux financeurs : de façon diffuse, par un effet de gratitude en retour du spectateur, Matra Espace et le CNES auraient bénéficié de la beauté sublime du film et de sa qualité d'oeuvre d'art. Du statut de sponsors ils eussent pu, pour leur gloire et leur renommée, passer à celui de mécènes. Hélas, le résultat ultime relevait plutôt de la réclame m'as-tu vu, façon "homme sandwich, ou du "hard selling" à l'américaine, comme ces spots TV pour des bagnoles d'occasion ou les matelas du discounter du coin de la rue ! Qui aurait des images de "Gaïa ? A t-il quand même été projeté ensuite ailleurs qu'à Séville, comme initialement l'espéraient ses sponsors ? Peu de temps après, Pascal réalisait son sublime "Lakmé". Je ne sais si les décideurs du Président eurent l'occasion de le voir… Si ce fut le cas, j'espère qu'ils eurent des regrets de n'avoir pas laissé à Pascal sa liberté d'artiste. Et encore… Étaient-ils simplement capables d'éprouver ce genre de relativisme ?


    La première de ces deux productions fut "Gaïa", film en format super 70mm IMAX, pour le "puits d'images" du pavillon français à l'expo universelle de Séville de l'été 1992. C'est Pascal Roulin qui l'avait conçu dans sa forme initiale, nous l'avions défendu devant la cour des conseillers de Mitterand, parmi lesquels Régis Debray et l'historien Paul Virilio. Au fil des mois, bien après mon départ d'Ex Mach, jusque tard dans l'année 1991, alors que j'étais en pleine production de "Télétoon", je continuerai à suivre personnellement d'abord les invraisemblables mises au point du dispositif inédit de ce spectacle (9), au sein d'un comité technique que pilotait le cher Gérald Calderon, puis les tractations financières et créatives sans fin avec les différents partenaires (le CNES et MATRA Espace étaient les deux bailleurs de fonds), jusqu'à la commande de la phase de préproduction (cliquez ICI et ICI) de "Gaïa", le 14 mai 91, et une fois l'été passé, sa mise en chantier avec le scénario version n°6 modifié à la très officielle date du 17 septembre 1991 ! (cf. compte-rendu de la réunion du 17 septembre, cliquez !).




Pascal Roulin et Alain Grach (Cliquez pour agrandir)
Photo G. Dupeyrot, 2 octobre 1990.

   Des deux productions qui enfin aboutirent, la seconde fut "SOS" (Sub-Oceanic Shuttle), un "ride" (8) en format 70mm destiné aux parcs d'attraction, pour la société californienne "Ridewerks", ride que réaliseront Jerzy Kular et Jean-François Henry, et dont j'ai déjà parlé plus haut.



Photo historique de Damon Danielson remettant à Xavier
le chèque de la commande de Ridewerks à Ex Machina !
La date, oubliée, est illisible sur la photo, de même que le montant…
Mais bon, ce qui compte, c'est qu'il soit enfin là !


   S.O.S. et Gaïa, deux mega budgets ! Tous deux entièrement en images de synthèse, évidemment ! Surtout, ces deux mises en chantier consacrent l'ancrage d'Ex Machina sur un marché qui va, pour les années à venir, procurer à la société une bonne part de son chiffre d'affaire (c'est ce que rappelle Jerzy Kular ICI, dans un entretien accordé au magazine "Pixel" pour son numéro anniversaire de septembre 1998). J'ai plus que correctement rempli mon contrat. Je peux, début 1991, commencer à me détacher de Ex Machina pour me consacrer à "Télétoon", une émission de télé que deux amis et moi préparons depuis plus de deux ans… et qui va m'occuper pour les deux années à venir. (Je reviens rapidement, un peu plus bas, sur la façon dont s'est opéré mon départ d'Ex Machina). Dès 1992, une étude internationale du marché de la 3D, le "Roncarelli Report", place ExMachina au 3ème rang des plus grands studios internationaux en terme de CA et de qualité, au même niveau que Rythm & Hues aux USA et Toyo Links au Japon.

   Si, pour terminer, je voulais résumer ces deux années passées à Ex Mach, je dirais qu'elle furent parmi les plus fortes et les plus gratifiantes de mes expériences professionnelles. J'y découvris les métiers passionnants qui sont ceux du film en image de synthèse, j'y connus ce que peuvent réaliser la pertinence et la ténacité dans des conditions difficiles, quand elles sont vitalisées, dynamisées, subjuguées par l'amitié et la confiance, j'ai aussi, comme je le rappelle par ailleurs, fréquenté de grandes villes de la planète dans des conditions plus qu'agréables, ce qui n'est pas négligeable, enfin j'ai eu la chance de partager un peu le quotidien de gens enthousiastes et créatifs, et d'oeuvrer à développer les marchés qui, dans les années suivantes, allaient leur permettre d'exprimer leurs talents. Avec le recul, je dois bien dire qu'en regard de tout ceci, ce que j'ai pu connaître de négatif lors de cette période ne pèse pas grand chose. Oui, décidément, ce furent deux bien belles années ! Alors, merci à toutes et tous !

Gérald Dupeyrot




Ex Machina au 17ème festival d'Annecy, 27 mai-1er juin 1989



   Sur le stand Ex Machina : présentation à Jack Lang de deux des réalisateurs "maison" : Jerzy Kular et Pascal Roulin. Avec José Xavier, Jerzy vient de réaliser "Paris 1789" pour le bi-centenaire de la Révolution.

   J'ai demandé à Jean-Luc Xiberras, directeur du festival, que le film soit programmé en ouverture, et qu'une image de "Paris 1789" fasse la "une" du premier des bulletins quotidiens de ce festival d'Annecy. Ce que Jean-Luc nous a accordé très volontiers. D'autant que c'est Thierry Steff, bientôt metteur en page de "La Synthèse" pour Ex Mach et avec qui je prépare notre future émission "Télétoon", qui assure aussi la rédaction en chef et la mise en page du quotidien du festival.

   Je profite de cette occasion de rencontrer Jack Lang en chair et os pour lui rappeler le courrier que les auteurs de "Télétoon" lui ont adressé le 19 mai précédent : il m'assure de son intérêt (ça doit être vrai, il se souvient de l'encombrante boîte en bois sérigraphiée contenant les dossiers de présentation !), et me promet qu'il va nous répondre sous peu. Et il va tenir parole par un courrier du 2 août suivant !


Cliquez sur chacune de ces images de "Paris 1789" pour l'agrandir.




Oui, il manque la belle musique d'Angélique et Jean-Claude Nachon,
qui s'éleva en ouverture de ce festival d'Annecy 1989...
Pour l'écouter, cliquez ICI.




Jerzy Kular et José Xavier, co-réalisateurs, lors de la conférence de presse
à Annecy 1989, après la projection de "Paris 1789".
Jerzy est un virtuose de l'animation 3D, José de l'animation 2D.
Fructueuse alliance !




Quelques autres photos prises à Ex Machina en 89-90

Le département "archi"


Cliquez pour agrandir et lire l'article paru dans "La Synthèse".

   Rectificatif de l'ordre des noms donné par la légende de l'article que l'on découvre en cliquant sur la photo ci-dessus : Bertrand Robert est à gauche, Micislas Orlowski est à droite, et Jean-François Roudot est au centre. Le département "archi", voulu par la hiérarchie Thomson, fut le premier à se trouver sacrifié, faute que se concrétisent les prévisions qui avaient présidé à sa création, prévisions que la dite hiérarchie avait fondées sur son appréciation purement fantasmée et pifométrique du marché, très imbue qu'elle était des relations inscrites à son "carnet d'adresses". Au nombre de celles-ci figuraient, nous assurait-on, Christian Pellerin ("patron" du quartier de la Défense), ou Dominique Bouillon (PDG depuis 1987 de la "Foncière des Champs-Élysées", en charge du projet de complexe cinématographique "Grand Écran" à Porte d'Italie). Nous devions, paraît-il, attendre des merveilles de ces deux-là ! Des commandes à foison ! Apparemment, Christian Pellerin et Dominique Bouillon étaient les seuls à n'être pas au courant. Obligés que nous étions par notre présidence de suivre ces mirages mondains (et il y en eut d'autres), nous y perdîmes un sacré paquet de temps !

   Henry Papillon (si je me souviens bien du nom de ce gentil collègue) et Martin Darasse seront les premiers à nous quitter (leur pot d'adieu, ce fut le 1er septembre 89 à midi), puis ce sera le tour de Bertrand… Ils émargeaient - comme moi au début - sur le budget de H.M. Productions, une société qui était une filiale de TDI ou de ExMach, ou des deux, le groupe Thomson comme toutes ces structures, faisant preuve d'une prédilection fiscale pour les sociétés gigognes. Dès son décollage, Ex Mach fut comme un ballon dont la Présidence n'eut de cesse de demander qu'il larguât du lest ! Comme si "Paris 1789", avec sa Montgolfieère, mais surtout avec la guillotine à répétition qui s'ensuivait dans l'Histoire de la Révolution, avait inspiré en haut lieu le mode de gestion de l'entreprise ! Pourtant, l'art de diriger consiste en particulier à faire la part entre dépenses improductives et investissements. Et je crois que ceci échappait à la présidence. Et puis pour se conformer à ce précepte de gestion simple et de bon sens - maintenir les dépenses productives et éliminer les autres - il lui eût fallu un certain goût pour l'auto-sacrifice. On comprendra qu'il soit plus facile de demander aux autres de jouer le rôle du lest.


Henry Papillon à Imagina 1989.

   Mon tour vint fin 90. En fait, il en fut question bien avant ! Mis à part une réaction bien légitime d'amour propre, un sentiment d'injustice plus que justifié, et le souffle coupé devant aussi peu de persévérance et de professionnalisme. Partis de là où on était partis, et avec les handicaps que j'ai rappelés, petit nouveau européen dans un domaine essentiellement aux mains des Nord-Américains et des Japonais, on n'investit pas un tel marché en moins de dix-huit mois ! (aux Armateurs, nous mettrons quatre ans à sortir "Kirikou" !). Ceci toutefois ne me dérangea pas plus que ça pour deux raisons : d'abord, la mise en production de mon émission "Télétoon" venait de démarrer, de toutes façons il me fallait partir. Mes trois mois de préavis à Ex Machina ne se termineraient pas avant le 31 mars 91, et j'avais déjà commencé d'assumer ma fonction de rédacteur en chef de Télétoon !

   Ensuite, Xavier, persuadé tout comme moi, avec raison, que nos projets allaient déboucher, intervint avec courage et fermeté, et un beau sens des responsabilités, auprès de la Présidence d'Ex Machina pour que fût conclu entre elle et moi un contrat me garantissant un intéressement salarié sur les productions que nous avions développées, au cas où elles aboutiraient. Le pourcentage, que nous avions proposé sans trop y croire, pouvait sembler modeste (3 à 5% des budgets selon les productions), il aboutissait en réalité, compte-tenu de l'importance des budgets en jeu, à des montants disons… conséquents. Mais vu que la hiérarchie Thomson ne croyait pas que nos films se feraient, ça passa ! C'était, se renouvelant à mon profit, l'innocent marché de l'anodin grain de blé posé sur la première case d'un jeu d'échec, et qu'on propose ingénument de doubler de case en case ! Tellement persuadée qu'elle était que cet accord n'aurait jamais à être appliqué, la hiérarchie aurait signé n'importe quoi…

   Il va de soi que la garantie que Xavier avait ainsi réussi à à obtenir à mon profit, avait aussi pour objectif que je consente à me maintenir bénévolement sur nos projets, le temps qu'il faudrait pour les voir aboutir. C'est bien ce qui se passa. Ce qui fit que dans les mois qui suivirent, tout en assurant la conduite de mon émission, je continuai à épauler Xavier pour les ultimes négociations des deux productions que nous avions développées ensemble, et qu'il fallait maintenant mener jusqu'aux signatures des contrats qui en confieraient la production à ExMachina.

   La commission qui m'échut dans les mois qui suivirent, du fait des mises en production de S.O.S. et de Gaïa, fut du coup plus que rondelette. Pour ne pas mettre Xavier en posture délicate vis à vis de sa hiérarchie, et alléger cette jolie note de ses charges sociales, je consentis à ce qu'à montant net égal, elle fût transformée en indemnités de licenciement… d'un niveau très improbable, certes, vu son importance, surtout au bout de seulement deux ans d'ancienneté ! (oui, j'ai retrouvé les contrats, le premier, celui qui promettait "trop", daté du 20 février 1991, annulé, et son remplaçant, le "protocole transactionnel" daté du 5 juillet 1991 ! À cette date, nos "grands projets" étaient signés et entraient en phase de concrétisation !).



Quelques autres photos prises en 1990…



   Ci-dessus, Yannick Violin, dans le décor du 1er étage. Les sociétés Ex Machina et TDI étaient installées dans l'immeuble d'une ancienne boulangerie industrielle. Les poutrelles d'acier avec leurs rivets sont d'origine. Leur ont été adjoints des panneaux peints comme celui en face de nous, avec écrous en trompe l'oeil et simulacres de rouille. Des passerelles et des volées d'escaliers métalliques, assez sonores quand on les dévalait, reliaient entre eux les niveaux et les demi-niveaux, ambiance techno garantie, c'est sûr que ça faisait... son petit Eiffel ! Et dans la plupart des pièces, partout des "Machina", propres à concevoir ou à cracher de l'image ! La porte du bureau de Anna-Karin Quinto et de Marie-Christine Drugé, qui lui-même donnait sur celui de Xavier, est juste en face de nous, derrière les deux personnages sans tête. Et puisqu'on parle d'elle, voici…





… Marie-Christine ! (Cliquez pour agrandir - Photo G. Dupeyrot, 2 octobre 1990)




Pascal Bap (à gauche) avec un personnage non-identifié
(dont on m'a signalé qu'il se s'agissait pas de Majid Loukil).



   Lionel Fages en septembre 1990 : il est à Ex Machina le responsable de la production des "films publicitaires". Autrement dit, c'est lui qui, les premières années, entre la production de "Paris 1789" et l'essor des productions "grands formats", fait "bouillir la marmite" ! À la disparition d'Ex Mach, Lionel, avec Majid Loukil et Bruno Le Levier, créera en 2002 sa propre société : "Cube". Au travers des vicissitudes que connaîtra, au début du nouveau siècle, le monde de la synthèse et de la post-production, "Cube" saura se maintenir, et assurer au fil des ans une production de "films de commande" d'une qualité exceptionnelle.



   Michel Falduti dans son bureau, le 2 octobre 1990 . Michel, lors de la production du film "Paris 1789", avait été en charge du contrôle de la modélisation de l'ensemble des bâtiments présents dans le film, et de la constitution des "bases de données" correspondantes. Pour des nouvelles plus fraîches, mais quand même pas trop, de Michel, cliquez ICI ! (merci à François Ploye !)





Deux affiches qui, à partir de 1992, ont assez longtemps orné les murs du hall d'entrée au rez-de-chaussée :







  






(1) Ex Machina : Dès 1986 TDI (Thomson Digital Image) avait développé et commercialisé le logiciel 3D "Explore" tout en ayant son propre département de réalisation d'images.
   Il s'est vite avéré difficile pour TDI d'être le compétiteur de ses propres clients. Par ailleurs, TDI a en France un rival d'importance : la SOGITEC. Les deux sociétés se concurrencent pour dominer le marché du film en images de synthèse. Elles risquent de s'y épuiser. "C'est ce que semble penser Xavier Nicolas, maître d'oeuvre des accords à l'amiable entre TDI et Sogitec… Xavier Nicolas a en réalité contribué à un des plus intéressants rapprochements de ces dernières années" (article dans la presse spécialisée, hiver 1990).

   Au 1er janvier 1989, TDI est scindé en deux :
   * les activités de développement de logiciel (TDI systèmes) restent au sein de TDI,
   * les activités de création d'images (TDI Images) sont regroupées avec celles de la Sogitec (où Xavier Nicolas travaillait depuis déjà 1982) au sein d'une nouvelle société : Ex Machina (je simplifie, mais en gros, c'est bien ça).

   Ex Machina est créée ce même 1er janvier 1989. Thomson, à travers TDI, détient 66% du capital, l'I.N.A. 34%. La société est installée dans le même immeuble que TDI, au 22 rue Hégésippe Moreau à Paris 18e.

   Xavier Nicolas est également à l'origine du nom "Ex Machina" donné à la nouvelle société. Lorsque j'arrive en mars, je suis loin de me douter que cette appellation a curieusement provoqué trois mois plus tôt une bronca presqu'unanime parmi les personnels de la société. Elle s'est même traduite par une pétition péremptoire que l'on peut retrouver en cliquant ICI. Pourtant, superbement poétique, évocatrice et internationale, on verra très vite à l'usage que cette raison sociale va remplir à merveille son office. Comme quoi on peut faire partie de la fine fleur des techniciens spécialistes de l'image de synthèse (car c'est bien ce qu'était l'équipe d'Ex Mach) et ne pas discerner les potentialités d'une marque appliquée à sa propre activité ! À chacun son métier !

   C'est encore Xavier qui, dans la foulée, toujours en 1989, avec un goût très sûr (il a, entre autres penchants louables, celui d'être fan du graphiste Neville Brody), se met en relation avec le graphiste Philippe Cauquil, qui va dessiner le logo de Ex Machina.


Cliquez pour agrandir et lire l'article paru
dans "La Synthèse" (photo G. Dupeyrot)
.


(2) Lors de cette visite, le réalisateur Pascal Vuong, futur auteur d'un mémorable "Homme invisible", offrit à Jean-Claude Mézières une impressionnante et superbe maquette en balsa, d'une précision scrupuleuse, qu'il avait réalisée du vaisseau de Valerian et Laureline. Mézières s'en souvient-il encore ? L'a t-il conservée ? Voici ce qu'à ces questions il m'a répondu le 23 août 2010 : "Quant à l'astronef réalisé par Pascal Vuong il y a plus de 15 ans, il a disparu au cours d'expositions dont la dernière où il figurait doit dater de 1995 à Charleroi en Belgique, où il avait été à l'honneur. Depuis je n'en retrouve pas de trace, sauf sur la video de l'expo. J'en suis désolé pour Pascal et pour moi."



(3) la journée CEDFI (nom d'un "club" dont étaient membres quasiment tous les réalisateurs de films "industriels", mais aussi la plupart des responsables de l'audio-visuel dans les grandes entreprises) eut lieu le 23 mai 1989, la journée APRAC ("Association Professionnelle des Réalisateurs d'Oeuvres Audiovisuelles de Commande") le 15 novembre 1989. À cette dernière se pressèrent 80 professionnels, dont 39 réalisateurs ! J'étais assez content de mon coup, je n'avais pas trop perdu la main !



Autour de Philippe Billion : à droite avec lunettes, Gonzague Zeno, réalisateur qui fait merveille avec ses retransmissions video en direct de conventions et de congrès (salut Gonzague !), encore plus à droite, l'air pensif, Philippe Tastet, qui vient d'être animateur sur "Paris 1789", et sera toujours chez Ex Mach au début du XXIème siècle. Et tout à gauche, ben je ne m'en souviens plus, désolé !

   À chaque fois, les invités commençaient par visiter les installations techniques d'Ex Machina (ci-dessus en voici qui suivent une démonstration de Philippe Billion), puis ils empruntaient le minicar qui faisait la navette avec la salle du "Ciné 13" voisine, avenue Junot. Là, leur était projeté un programme de films "maison" en 35 mm, dont "Paris 1789".
À l'époque, il existait deux salles privées semblables appartenant à Claude Lelouch : celle-ci, avenue Junot, et celle de l'avenue Hoche. En 2010, la salle du "Ciné 13" a été transformée en théâtre par Salomé Lelouch, fille du réalisateur et d'Évelyne Bouix. C'était notre moment "people".



La réalisatrice, c'est Ada Remy. Elle et son mari Yves ont décroché quatre fois le Grand Prix du film d'entreprise au festival de Biarritz, et on ne compte pas tous les prix raflés par ailleurs ! Pour les Messieurs sur la photo, il va falloir que je cherche ! Cliquez pour agrandir et lire l'article paru dans "La Synthèse"


   Pour l'édification des réalisateurs de ces soirées APRAC, CEDFI et autres, j'avais pondu un petit livret de vulgarisation intitulé "La synthèse, c'est du cinéma", où de page en page j'établissais le parallèle entre les habitudes de travail d'un réalisateur "normal", de prise de vues réelles, et son vocabulaire technique, et ce qu'étaient leurs équivalents pour des films en images de synthèse. Il s'agissait de les apprivoiser en leur parlant de ce qu'ils connaissaient. Ça devait être rassurant et encourageant. C'est Bertrand Robert, dont j'appréciais l'impertinence et la joie de vivre, qui m'avait considérablement aidé dans cette tâche pédagogique. Pour finir de rendre intime et souriant et modeste le parallèle, j'avais moi-mème fait les dessins sans prétention qui illustraient ce livret. Dans mon style au trait tremblottant moitié Blechman moitié Desclozeaux. Ça faisait la farce et remplissait son rôle.

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(4) Je cite par ailleurs comme réalisateurs Philippe Billion, Daniel Borenstein, Jerzy Kular, Pascal Roulin, mais il ne faudrait pas oublier Marc Tatou, Olivier Cauquil, Hervé Loiseau (l'homme des habillages de la "5"), Paul Coudsi (Ah, "le Stylo" !), Michel Meyer, Jean-Luc Savarino, Pascal Vuong (auteur d'un "Invisible Man in Blind Love" aussi astucieux que mémorable, conçu à Ex Mach, produit plus tard par Eurocitel, et qui aura le 1er prix pour la "fiction" à Imagina 91)…



Le lapin des fêtes de fin d'année 90 sur "la 5" ! Cliquez sur la tête du lapin pour agrandir et lire l'article paru dans "La Synthèse". Il y est question de José Abel, de "Pandore" et de Alain Vautier. Vous pouvez aussi lire ICI les compte-tendus que j'avais rédigés pour "HM News", le bulletin d'information des quatre sociétés du 22 rue Hégésippe Moreau.


(5) Eh oui, ! Essayons de n'oublier aucun de ceux qui rendaient le possible possible, tous les collaborateurs au nombre desquels (je cite sans vouloir être exhaustif) Michel Falduti et Christian Foucher pour l'animation (entre autres, je me souviens que Christian bossa sur les animations des "1001 et une nuits"), Yannick Violin pour la modélisation, François Ploye, Hervé Tardif, Claire Quevy pour le développement, Claude Schiffman et Philippe Camus pour ce qu'il était convenu d'appeler les "opérations". Et la chère Françoise Laporte, en charge de la post-production, avec une pensée non moins émue pour Estelle Chedebois qui l'assistait !


Estelle à Ex Mach, le 2 octobre 1990
(Photo G. Dupeyrot).
Pour voir la classieuse épinglette "Ex Machina" à son revers, cliquez pour élargir. Estelle deviendra animatrice 3D sur de très belles productions (dont le sublime "Lakmé" de Pascal Roulin dans "l'Opéra Imaginaire" en 1992), jusqu'en 2001 à Ex Mach. En 2010, Estelle est libraire à Grenoble.


Pour mieux voir l'épinglette "Ex Machina"
dans sa pochette d'emballage originale,
cliquez sur l'image !



   Et puis il y avait tous ceux dont ma mémoire me souffle encore les noms… Pascale Ville, dont je fis la connaissance à Tokyo, Violaine Janssens, Mathieu Grospiron, Alain Grach, Dominique Pochat, Christian Rajaud… Un coup d'oeil au générique de "Paris 1789" vous donnerait encore un certain nombre d'autres familiers. Et un grand coup de chapeau à Pascal Bap et Thierry Barbier, dont les rôles étaient d'organiser, de coordonner, de dynamiser, bref de diriger tout ce petit monde, et qui y parvenaient très bien !

   Mais il est vrai que je ne suis resté qu'à peine deux années à Ex Mach, les deux premières, je n'ai connu qu'une partie de tous ceux qui, pendant encore une dizaine d'annés, vont y passer, jusque vers le début du XXIème siècle… Pour bien d'autres collaborateurs, cliquez pour atteindre l'écran réalisé par François Ploye (cliquez lui sur le nez !)…

   Et puis surtout, mes pensées les plus émues vont à celle qui fut mon assistante, Prisca de Gastines. Tout le temps qu'elle le fut, Prisca se montra d'une diligence et d'une gentillesse inégalables, tant mon agitation brownienne devait être difficile à suivre, à contenter… et à supporter ! Une diligence de western et une patience d'ange !


   Bonjour Prisca. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de cette photo où vous clignez des yeux ! Croyez bien que je n'en ai pas d'autre de vous de ces deux années-là, sinon, vous pensez bien… Sur votre bureau, les accessoires de votre quotidien : billets d'avion, dictionnaire Harrap's Français Anglais, menue monnaie, et sous la pile à droite, je reconnais la couverture de mon agenda, celui de l'agent d'illustrateurs "Patrick Deblaere" ! À votre revers, comme Estelle, vous arborez fièrement la jolie épinglette émaillée au logo d'Ex Machina.
   Clignez… euh, cliquez pour agrandir et voir tout ça.



   J'aurai une semblable pensée pour Anna Karin Quinto, qui, elle, était l'assistante de Xavier. Avec Prisca, elles préparaient nos déplacements, nous remettaient entre deux escaliers nos "feuilles de route" et nos billets d'avion, et prenaient nos rendez-vous à l'autre bout du monde avec une efficacité sans pareille… et un anglais tellement sans comparaison avec le mien, lamentablement marqué par sa consonnance pakistanaise et la frugalité de son vocabulaire !

   Vous voulez une idée de ce qu'était mon accent ? Bon, tant pis pour vous ! Cliquez sur l'image ci-dessous. Mon accent, c'est celui du serveur qui dit "A chicken birrryani forrr you, sirrrr, and forrrr Hagarrrr the horrrrible, our house spechiality, arrrrtic moose vindaloo extrrra hot !". Non, il ne s'est pas améliorrrré depuis ! (oui, ce petit chef d'oeuvre est de Oscar Grillo, il est extrait d'un "Télétoon" que je lui consacrerai bientôt, en 1992 !)














   Tous nos noms figurent dans un bel ordre démocratiquement alphabétique au verso de notre carte de voeux pour l'année 1990, une belle carte à découpe comme j'aime, que j'avais conçue, et dont Philippe Cauquil avait assuré dessin, mise en page et typographie… Cossue, non ? Avec du rouge rideau de théâtre, le logo en gaufrage hyper relief, et de la dorure partout ! La classe !



Cliquez pour agrandir… et cliquez ci-dessous pour le verso de la carte. En guise de fermoir, la bande rouge à droite comme on le voit ci-dessus, se glissait dans la fente en demi-lune..



   Pour finir cette note, je voudrais saluer un collaborateur de Ex Machina (qui était je suppose salarié de TDI), qui faisait que le décor classieux nous servant de cadre de travail était toujours comme neuf, qui assurait les 1.000 petites tâches indispensables à l'accomplissement sans heurts de nos gestes quotidiens, des fonctions qui ne se remarquent que si elles ne sont pas assurées, comme changer les ampoules mortes ou installer un porte-manteaux, j'ai nommé Maurice. Comme nous tous, je ne connaissais que son prénom. Ne cherchez pas, son nom ne figure pas sur la liste des collaborateurs mentionnés sur notre carte de voeux pour 1990. Par exemple, Maurice assura une bonne partie de la logistique qui permit le bon déroulement des "journées portes ouvertes". Cliquez ICI pour voir la note répartissant les tâches préparatoires à la réception du 15 novembre 89. Alors, encore merci Maurice !

(6) Ces deux restaurants étaient rue Cavalotti, dans le prolongement de la rue Hégesippe Moreau, le Perroquet au n°7, la Galère au n°8, chacun sur un trottoir différent, presque l'un en face de l'autre. C'était le rouge contre le vert ! Deux petits restaurants de quartier, d'un imbattable rapport qualité/prix. Le "Perroquet Vert", d'un niveau légèrement supérieur, était plutôt la cantine de la présidence, il avait eu son heure de gloire, pour avoir été fréquenté par des célébrités comme Picasso, Montand ou Fernandel. J'ai eu la bonne surprise de constater que l'un et l'autre existent toujours en 2010, et semble t-il, leur qualité et leur caractère se sont maintenus !





(7) Oui, bien sûr, avant Ex Machina, dans les années 70 et 80, j'avais voyagé. Pas au Japon, il est vrai, mais ailleurs, y compris aux USA et au Canada, quand je parcourais la planète à fréquenter des festivals exotiques de cinéma d'animation. Mais c'est à ma collaboration avec Ex Mach que je dois une telle fréquence de voyages à l'autre bout du monde ! Et alors que quand je voyageais pour moi, c'était de façon frugale dans les premières années, puis plutôt "économique" dans les suivantes, avec Ex Machina je connus des palaces comme jamais auparavant, et comme jamais depuis.


La Valencia Hotel. Cliquez pour agrandir.


   L'hôtel "La Valencia" où nous descendîmes à San Diego (quartier de La Jolla), est une admirable imbrication de somptueuses bâtisses de style hispanique où, depuis 1926 descendaient les stars de Hollywood qui venaient y cacher leur déprime ou leurs amours. J'avais la chambre 518, et j'étais là pour bosser (soupir ! J'ai même pas profité de la piscine ni de la plage !). C'est au cours de ce séjour passablement luxueux (là, je fais mon blasé), que nous pûmes lier des liens confiants et qui allaient devenir de plus en plus amicaux avec le modeste, charmant et enthousiaste Jeffrey Kirsch.

   Jeff allait se retrousser les manches pour aider à faire aboutir nos projets, et je ne doute pas qu'avec la passion qu'il portait par exemple à "Smellnapping" (j'ai conservé ses courriers enthousiastes et les relations qu'il nous ouvrit en Amérique du Nord dans le monde des sites muséographiques et de leurs puissants sponsors), ce projet aurait abouti si la hiérarchie Thomson avait eu, comme Xavier, la vision de Ex Machina comme d'un empire à bâtir ! Ce qu'elle n'avait pas. C'est ainsi que ne naquit jamais le Pixar européen…

   Quand, quelques années plus tard, en 1996, il fut question que Thomson soit vendu pour 1 franc symbolique au coréen Daewoo, ceci ne me choqua pas vraiment. Pas du tout même. Pour moi qui m'étais battu durant une vingtaine d'années aux côtés de petites et moyenne entreprises, partageant leurs espoirs, leurs difficultés et leurs efforts, je dois dire que j'avais trouvé que 1 franc, pour Thomson, c'était un bon prix. Pas même symbolique.

Ci-desus, le dossier de présentation de "Smellnapping", avec son faux nez en caoutchouc, fixé sur la troisième page de la couverture, qui servait de "fermoir" au dossier : les pages, dotées d'une découpe triangulaire, venaient s'y "empaler" et s'y empiler. Lorsqu'on recevait le dossier, le nez, jusque là comprimé, se redressait quand on ouvrait l'enveloppe, ce qui tout à la fois provoquait chez Jeff, très prude et digne, une certaine gêne (il y voyait d'emblée un trop évident symbole phallique) et en même temps le mettait en joie !



Jeff Kirsch

   Jeff, en ce début des années 90, est directeur du "Reuben H. Fleet Science Center" de San Diego, et de la salle Imax qui s'y trouve. Il est aussi producteur de films en format IMAX, vice-président du GSTA ("Giant Screen Theatre Association", devenu depuis "Giant Screen Cinema Association"), et président du "Museum Film Network", association d'une douzaine de grands musées exploitant une salle IMAX et privilégiant les films documentaires en ce format.

   Ces salles représentaient le meilleur de l'avenir du cinéma Grands Formats, jusqu'à ce que les "majors" hollywoodiennes s'avisent qu'elles avaient là à la fois un considérable concurrent potentiel auquel tordre le cou, et un marché "side-car" de grand prestige pour contribuer à amortir leurs super-productions par des adaptations au format super-70mm.

   Disney, avec la "Belle et la Bête" ouvrira le bal en 2000. Fermant ainsi presque radicalement l'accès des salles IMAX à ce qui aurait pu être une nouvelle génération de films à la fois spectaculaires et didactiques, le genre de spectacles qui auraient dû devenir l'apanage naturel spécifique de ce type de salles. Jeff est aussi excellent photographe !



Cliquez pour agrandir et pour d'autres images.
C'est beau, non ?

   Le lundi 13 août 90, Pascal Bap, Thierry Barbier et moi dînâmes avec Jeff et Joy, sa délicieuse épouse, dans un restaurant sublime, le "Marine Room" (cliquez pour voir les photos), situé sur les hauteurs de la plage, que Jeff, lui-même, habitant La Jolla, nous avait suggéré. De là, dans une lumineuse pénombre, on peut au crépuscule voir les baleines remonter le long de la côte, c'était irréel ! Il faut dire que Jeff avait écrit en 1980 le scénario de "The Whales That Wouldn't Die". Oui, 30 ans après, en juin 2010 (date à laquelle j'écris cet articulet), une "Commission Baleinière internationale" corrompue en est encore à pinailler pour savoir à quel rythme l'Humanité va finir d'exterminer les derniers cétacés existants !

   Si je me souviens bien, par une coïncidence qui ne doit pas tant que ça au hasard, c'est déjà sous le signe très tangible du cétacé que j'avais fait la connaissance de Jeff : lors du déjeûner (à moins que ce ne fût le petit déjeûner ?) qui ouvrit le Congrès 1989 du "Space Theatre Consortium" (l'association de tout ce qui a trait aux écrans géants), dans le vaste hall du Museum d'Histoire Naturelle de New-York, sous l'immense baleine bleue suspendue au plafond. Des petites tables avaient été dressées, c'était une ambiance d'aquarium, intime et studieuse. Ce musée, avec ses merveilleuses vitrines de dioramas désuets, était déjà pour moi l'un des deux endroits les plus poétiques de New-York (avec le point de Central Park où les buildings sont très exactement aussi présents que lointains). Ces quatre jours (28-31 août 1989) passés ici allaient encore conforter le Museum dans cette image que j'en avais (ICI, quelques belles images de cette baleine et de ce musée par Jennifer Bowen, remarquable photographe).


Mon badge au congrès STC 1989, et la grande baleine bleue au dessus d'une mer
de petites tables… (cliquer pour agrandir)



L'an prochain, le congrès STC se tiendra du 8 au 12 septembre 1990, à La Haye, oui, d'où la petite tulipe brodée sur le badge…



   C'est ainsi que, deux ans durant, je parcourus la planète comme un riche. Et je dois dire que c'est extrêmement agréable. J'avais envoyé une carte postale représentant l'hôtel "La Valencia" à mes parents. Mon père, rassuré quant à l'avenir de son fils (43 ans, quand même ! Et 20 années d'une carrière de publicitaire prospère derrière lui !), commenta sobrement : "Eh ben, mon fils, tu te mouches pas du coude !". Avoir un père "mère juive" est d'un grand soutien dans la vie.

   À Los Angelès, Xavier, qui essayait de ménager les deniers de l'entreprise, mais homme de goût tout de même, préférait plus modestement descendre dans un hôtel de charme au bord de l'océan, à Santa Monica. Tout à fait au bout de Arizona Avenue… On peut pas aller plus loin, après, on tombe dans l'océan !



   À cette époque, le "Shangri-La Hôtel", d'un beau style "art déco" tardif, accusait toutefois son demi-siècle. Son décor "colonial fin années 30" pas souvent rafraîchi, ses peintures extérieures poétiquement écaillées par l'air marin, son personnel vaguement stylé, aux origines outre-marines et aux vestes tendance élimée, tout ça le mettait à portée de bourses relativement modestes. Même si on n'écrivait pas d'histoires d'aventures lointaines, même si on ne fumait pas la pipe, même si on ne portait pas un bob informe et délavé, le Shangri-La donnait envie de se mettre à tout çà.

   Tard la nuit, retour d'épuisants rendez-vous dans L.A., on savourait de s'avachir dans ses fauteuils en rotin dont le tressage se barrait par endroits. Ça griffait doucement les vêtements sans que ce fût désagréable, au contraire. On se serait presque étonné que les chambres ici fussent pourvues de llts et non de couchettes ou de hamacs. C'était un hôtel de roman, authentique et familier, et ses fenêtres donnaient sur l'océan. Derrière soi, c'était l'Amérique, et tout au loin, devant, par delà la mer, c'était l'Asie. Nous étions au bout du bout du Monde, le point au delà duquel les pionniers d'antan ne pouvaient plus poursuivre leur trajectoire. Et devaient se résoudre à poser leur bagage. J'ai dit combien en ce temps nous nous sentions avec l'image de synthèse les porteurs d'un monde nouveau. Ici j'eus le sentiment, sans emphase mais très concrètement, de vivre pleinement cette quête et cet élan. Pourtant le Shangri-La était comme un paquebot échoué qui ne repartirait plus. Va comprendre…

   Mouais, ça, c'est du passé… Un coup d'oeil sur Internet vous montrera ce que, depuis, sa rénovation en a fait, et ce qu'elle a fait de ses tarifs ! "Exquisitely Re-Imagined Santa Monica Hotel" affirme la pub ! Re-imaginé de façon exquise ? Je lis bien ? En fait il a dû être rasé et reconstruit, c'est pas possible autrement ! Je reconnais rien ! "A Chic Sanctuary Of Style", ajoute leur pub ! De quel style ? À part les caractères "Arts Déco" de l'enseigne, plus rien qui soit "Art Déco", plus rien que du style hôtel international m'as-tu vu et passe-partout ! Et, si l'on en croit les potins sur Internet, le tout Hollywood qui vient s'y montrer !

   Xavier et moi prenions notre petit déjeûner à la terrasse en plein air de l'hôtel de luxe impersonnel, situé juste en face, de l'autre côté d'Arizona Avenue, comme ça, nous avions à la fois vue sur l'océan et sur le "Shangri-La" ! C'était bien agréable. C'est attablés là, qu'un matin de bonne heure nous lûmes dans la première édition de la journée du "Los Angeles Times" que les troupes alliées venaient d'entrer au Koweït ! Je suppose que nous étions le 3 août 90. J'ai conservé l'un des "cahiers" qui composaient ce quotidien, celui des "comic-strips" !



Cliquez pour voir le modèle de papier à en-tête mis par l'hôtel à disposition de ses clients en 1990. C'est beau, non ?


(8) Un "ride" (prononcer comme "Mr Hyde"), pour ceux qui ne le sauraient pas, est un film qui recrée une réalité virtuelle dans laquelle le spectateur, assis face à l'écran sur un fauteuil monté sur vérins (quand ce n'est pas la salle entière), se trouve immergé, tout au long d'un périple, le plus rapide et mouvementé possible, dont il ressent le moindre mouvement, le plus petit cahot ! D'où le nom anglais de "ride", promenade.


Une salle entière montée sur vérins
(modèle "Intamin").

   Je me souviens de la confusion que fit une proche du Président Gomez, de Thomson. C'était l'une de ces dames de l'âge et de la classe sociale où l'on se préoccupe de façon quasi paranoïaque des atteintes du temps à son épiderme, parce qu'elles le valent bien, pensent-elles… Il lui était arrivé sous les yeux un dossier provenant de chez nous, ayant pour titre "le développement de rides", ou quelque chose du genre… Elle lut le titre, déglutit, feuilleta rapidement, et trouva qu'il était un peu trop question de rides là dedans. On me répercuta la recommandation de ne plus désormais utiliser le terme "ride" quand je soumettrai des rapports risquant de se retrouver sous les yeux de dames haut-placées ayant dépassé les deux fois vingt ans.


La paire de fauteuils du "Turbo Tour Theatre", de la société Ridewerks, en 1990. Au lieu de salles montées entièrement sur plate-forme animée, les fauteuils bougent par paires, sans que s'amoindrisse pour le spectateur l'illusion d'être partie prenante d'un voyage… cahotique ! Si les hauts-le-coeur sont de qualité identique, l'installation et la maintenance s'en trouvent grandement facilitées !


   Je viens de relire ce qui précède, et je me dis que certains vont penser que j'ai inventé cette mauvaise histoire basée sur un jeu de mots foireux. Pourtant, je vous assure qu'elle est parfaitement vraie. Oui, on travaillait décidément dans des conditions parfois curieuses. La situation de Ex Mach, filiale de deux grands groupes où tous les postes de haut niveau n'étaient pas forcément occupés par des gens indispensables, entraîna parfois des situations délicates. On perdit beaucoup de temps à ménager ces personnes, qui, toujours, avaient LA relation à placer. Ou l'intermédiaire qui allait tout débloquer (les "intermédiaires" étant comme on sait le péché mignon d'une certaine caste politico-industrielle). Ou LA bonne idée pour laquelle il fallait tout laisser tomber de ce qu'on avait en cours pour s'y consacrer. À chaque fois, ça faisait "tchouffa", comme on disait dans mon pays. Et on avait perdu autant de temps et d'énergie, et donc d'argent. Il faut bien dire aussi que, pour l'avancement de nos "grands" projets, aucune ressource notable ne nous vint jamais ni de Thomson ni de l'INA, nos deux "maisons mères", nos deux pourtant puissants actionnaires.



Le timbre émis en l'honneur du pavillon français à Seville. Cliquez pour voir que c'est aussi abscon en moins petit qu'en moins grand !


(9) Le Pavillon Français à l'Expo Universelle de Séville 1992.

   C'est le Président Mitterrand lui-même qui, le mardi 27 février 90, a choisi le projet du pavillon. Nous l'apprenons presqu'aussitôt, le 1er mars, par Madame Régine Mouton de la COFRES (voir ci-dessous), avec qui j'entretenais d'excellentes relations. C'est à elle, entre autres, que nous, "détail du détail" comme elle me le dira en riant, allions devoir de nous maintenir sur ce projet et finalement obtenir d'être retenus.
   Les maquettes étaient exposées dans le jardin d'hiver de l'Élysée. Il faut dire que les architectes concepteurs, Jean-Paul Viguier, Jean-François Jodry et associés, avaient fait très fort dans l'esbroufe et l'habileté : parmi les maquettes proposées au présidentiel et régalien choix, difficile de ne pas craquer pour la leur ! Tout pour plaire dans l'innovation, la démesure et l'élégance : une fosse de 20 mètres sur 20, profonde de 20 (en réduction à l'échelle, bien sûr !). Avec, en guise de fond, le tout bête écran d'un moniteur video. Sur les quatre parois : de simples miroirs collés, mais où se reflètent à l'infini les motifs animés de la video projetée sur l'écran du fond. Un promenoir tout autour de la fosse, et surtout deux tapis roulants l'enjambant d'une seule traite permettront au visiteur de dominer ce vertigineux Kaleïdoscope ! Pour le reste du bâtiment, juste une lame horizontale, et une autre verticale. "Corbusieren !", écrivit-on… En tout cas, très chic, trés sobre. "C'est ça que je veux" dit le Président. Super ! Jusqu'ici, tout va bien, c'est un conte de fées…

   Ensuite, il a fallu passer d'une maquette séduisante, certes, mais racoleuse, du genre "ni vu ni connu j't'embrouille", au monde réel avec ses contraintes ! Et c'est là que ça a commencé à se gâter ! Imaginez un peu les affres des arpètes chargés de faire en sorte que ça marche, missionnés pour passer derrière et ramasser le délire ! "Une image de 20 mètres sur 20 ! On fait comment ? - Un projecteur Imax super 70mm ? - Oui, mais il va falloir projeter du haut vers le bas, et un projecteur IMAX, c'est pas fait pour ça ! Les cames et tous les éléments mobiles vont basculer et se casser la gueule ! - Alors un projo Imax qu'on va faire spécialement fabriquer ? - Vous savez ce que ça va coûter ? - Et les énormes baffles sous l'écran, ils vont le faire plus que vibrer, carrément battre ! - Et les parois, on y met quoi ? Pas du vrai miroir ! - Non, bien sûr ! Du Mylar ? - Oui, mais le son le gonflera aussi comme des voiles, et puis l'indice de réfraction n'est pas terrible, les images ne se reflètent pas très loin, pas comme dans du verre ! - Et on fait quoi, si le Mylar enfle et désenfle avec les ondes sonores ? - Tant pis, on s'en fout ! - Et puis Seville en été, c'est le Sahara ! Comment on fait pour l'électricité statique du Mylar et la poussière qui s'y colle ?". Là, je résume, en fait ces discussions au bord de la crise de nerfs se sont étalées sur des semaines ! Des mois ! Au final, j'ai entendu un conseiller du Président dire textuellement "débrouillez-vous pour que ça marche au moins le jour de l'inauguration, après…".

   Amusant non ? Surtout si vous saviez ce que tout ça a coûté !

   Outre Régine Mouton, chargée à la COFRES SA ("Compagnie Française pour l'Exposition de Séville") des relations avec les entreprises, nous aurons dû également aux sympathies de Patrick O'Byrne (de l'agence "Café", que je reçus dès le 23 janvier 90 à Ex Machina), et de Véronique Marteau, Directrice Générale de COFRES SA, et de sa collaboratrice Paule Paggiannelli (je les reçus toutes deux le jeudi 10 mai 90 à Ex Machina), de passer nombre d'écueils et finir par aboutir.

(10) L'entrelac des décisionnaires et des "influenceurs" sur le pavillon français était complexe et difficilement saisisable. Je m'y étais fait quelques relations qui semblaient me faire confiance, et me guidaient, tel un Icare aveugle, dans ce labyrinthe incompréhensible, sur lequel régnait un Minotaure capricieux conseillé de courtisans incompétents. Aussi ai-je continué à suivre l'affaire même assez longtemps après mon départ d'Ex Mach. Jusqu'à son aboutissement. Jusqu'à la réunion du 17 septembre 91 chez Matra, avenue d'Iéna, qui finissait de mettre la production sur les rails (cliquez pour lire le compte-rendu)..
   De tous ces gens (je parle des solides techniciens et gens de bon sens), Louis Laidet et Catherine Simon, du Centre National d'Études Spatiales (CNES), et Michel Deplanté et Cécile Fabris de Matra Espace, ainsi que le cher Gérald Calderon, auront été du nombre de ceux avec qui j'eus de bonnes et confiantes relations, et dont j'ai plaisir à me souvenir.



MON PLUS BEL ÉVÈNEMENT
DE CES DEUX ANNÉES




Mardi 29 mai 1990, 23H 05,
Clinique des Lilas (Seine Saint-Denis) :
J'ai le bonheur d'assister, de participer même (mes bras sont les premiers à l'accueillr en ce monde), à la naissance d'Antoine Jean Grégoire Dupeyrot, à la clinique des Lilas (Seine Saint-Denis), rue du Coq Français (oui, très très valorisant pour les papas !). Son frère Raphaël est HEU-REUX (et leurs parents donc !).


Variété de Coq français,
tendance Super-Bresse.

   À cette nouvelle, Xavier, retour de je ne sais où et en partance pour je ne sais plus, achète pour Antoine dans un aéroport la peluche ci-dessous, que j'ai soigneusement conservée... À Antoine, je ne sais plus, mais à moi, c'est sûr, elle fit très plaisir !






Françoise, rue Botzaris,
le samedi 29 septembre 1990.
Je suis rentré de Tokyo hier soir ou ce matin.


   Auparavant, le dimanche 26 mars 1989 aura été une autre de mes dates heureuses : au marché aux puces de la Feyssine à Lyon, Françoise et moi achetons un petit vélo à Raphaël (attention, un vrai, avec seulement deux roues, une devant, une derrière, et rien du tout sur les côtés, pas la moindre roulette !) : aussitôt il l'enfourche, il se laisse glisser sur la pente d'un plan cimenté, se met à pédaler, il continue, il pédale, il pédale, sans avoir mis pied à terre, et ne cessera plus de continuer. Le plus court apprentissage cycliste de l'histoire du deux roues ! Sous l'oeil d'abord incrédule, puis ému de ses deux parents modestes mais fiers.



Cliquez pour voir le programme !

  Autre date sympa, directement liée à ma présence dans un satellite de la galaxie Thomson : le samedi 2 décembre 89 après-midi, à l'invitation du comité d'entreprise, j'emmène Raphaël (et je crois sa copine Paloma) assister au spectacle du Cirque Zavatta fils qui a dressé sa tente sur la pelouse de Reuilly.




Tokyo, Osaka, 21-28 septembre 1990




Cliquez pour agrandir et voir le 3e convive.


   À Tokyo, je déjeûne avec des dirigeants de la société GOTO Opticals. Société au départ spécialisée dans les matériels d'optique pour planétariums, GOTO a installé et contrôle au Japon un réseau de dizaines de salles de type "dôme 180°", et produit elle-même les films de divertissement "grand format" dont elle les approvisionne. Comme il est de tradition, le moins "gradé" des dirigeants s'est levé pour faire cette photo souvenir.

   Je vois que j'avais mis la belle cravate (une Moschino ?) achetée chez Michel Axel, Bd St-Germain, avec dessus les noms des grandes avenues du monde ! Mais attention, presque ton sur ton, hein, rien que du discret ! La classe ! Cliquez ICI pour la voir, avec deux autre de ses collègues de cette époque… Je profiterai de la proximité de mon hôtel, le "Keio Plaza", avec les grands magasins du quartier de Shinjuku pour m'enticher d'une nouvelle cravate avec des petits motifs répétitifs (discrets, of course), des lunes, des pleines et des en quartiers, comme sur les calendriers anciens. Je la trouve follement japonaise, elle est signée Y'saccs. Non, ce n'est pas le nom d'un faiseur juif de Bond street, c'est celui d'un maroquinier d'ici, tout ce qu'il y a de japonais. En 2011, elle est toujours ma cravate porte-bonheur.


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   À Tokyo, je rencontrerai aussi des responsables de la production de films à la NHK, chez "Dentsu Prox", "Tohio Links", "Futurist Ride and Show", "Taiyo Kikaku", et d'autres sociétés avec lesquelles Ex Machina affermira ses liens au fil des mois à venir, avant d'installer ici sa propre représentation.
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   Tokyo encore. Christian Foucher me photographie avec Satchiko Kondo, collaboratrice de Ex Machina, dans un bus qui ce 22 septembre 90, lendemain de mon arrivée, nous conduit je ne sais plus où. Puis c'est à mon tour de faire de faire d'eux la photo ci-dessous...
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   Toujours en septembre 90, nous voici tous dans le "Tokaido Shinkansen" qui en deux heures et demi nous propulse de Tokyo à Osaka, où nous attend "Hana-haku", ou "Flower Expo", une gigantesque exposition comme en raffolent les Japonais, consacrée à la fleur et à la nature. Les pavillons des plus grandes sociétés et services publics japonais rivalisent d'ingéniosité, de technicité et de folie des grandeurs dans les spectacles proposés aux visiteurs ! Une occasion unique d'embrasser tout l'état de l'art en matière de spectacles hors normes pour ce genre de manifestation ! Le "Tokaido Shinkansen" va passer au large du Fuji Yama ! Ce jour-là, il était bien visible, et me trouver dans la même réalité que lui, partie intégrante d'un paysage de légende et d'estampe, m'a beaucoup ému !


La "mascotte" de l'expo "Hana-Haku"
à Osaka 90.


   Du fait de l'affluence à l'expo, les grands hôtels d'Osaka étaient complets, Satchiko va s'excuser mille fois d'avoir dû réserver pour nous tous dans un "ryokan", auberge traditionnelle toute en bois, avec cloisons de papier coulissantes et futons à même le sol ! Quelle merveille ! Ça me changeait tellement, et en mieux, de l'impersonnel "Keio Plaza" (cliquez pour voir la "chose"), l'hôtel 4 étoiles du quartier de Shinjuku où je me trouvais logé à Tokyo ! Je crois que je n'ai pas assez remercié Satchiko de ce qu'elle avait cru (ou fait semblant de croire) être un faux pas ! Satchiko est toute de gentillesse, de grâce, d'attention, de modestie et de tact.
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La "mascotte", avec quelqu'un dedans.


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   Lors du même voyage, dans le "Tokaido Shinkansen", voici la petite famille Pascale Ville - Christian Foucher : c'est l'heure de la becquée ! Les déjeûners dans leurs boîtes sont vendus par un marchand ambulant qui s'incline du buste en pénétrant dans le wagon. Pascale et Christian (et leur fille) vivaient alors à Tokyo, ils étaient tous deux formateurs d'infographistes locaux sur les logiciels Explore de TDI. Chez "Omnibus", la boîte de M. Aikawa.

   Christian va m'accompagner dans plusieurs de ces sociétés où il a déjà ses entrées, des relations qu'il s'est faites depuis qu'il est ici. J'ai conservé un rapport d'activité de Christian, envoyé de Tokyo peu après mon passage de septembre 90, je l'ai relu, c'est une merveille de précision, de documentation sur les studios et firmes alentour, de notations précieuses sur leur fonctionnement et leurs relations entre elles, et d'intuitions très sensées sur une possible implantation d'Ex Machina à Tokyo, bref, du bel et bon marketing !

   J'étais parti pour Tokyo avec un excédent de bagages constitué de cadeaux pour les interlocuteurs que j'allais renconter. Je trouvais ça un peu idiot, je me faisais l'impression de Stanley ou La Pérouse allant avec leur bimbeloterie évangéliser les papous ! Mais le "coach" de Thomson m'avait expliqué que sans ça, pas d'affaires envisageables au pays du soleil levant ! Il m'avait même précisé que les Japonais adorent l'anisette, mais attention, faut pas leur offrir celle de l'épicier du coin, non, même si c'est la même marque, il faut qu'elle provienne de chez Fauchon, sac avec logo faisant foi ! J'avais donc trimballé tout ça, en même temps qu'un impressionnant paquet de cartes de visite, puisqu'il est également de coutume d'en distribuer beaucoup, chaque interlocuteur japonais dans son entreprise ne vous recevant qu'en compagnie de tous ses pairs hiérarchiques venant vous saluer les uns après les autres !

   Il s'avéra que le "coach" de Thomson savait de quoi il parlait. Au retour, je m'étais allégé de tout ce qui constituait mon barda de l'aller, toute la "bimbeloterie" était épuisée, elle avait rempli son office. Je l'avais remplacée par une équivalente quantité d'emplettes, dont beaucoup de petits jouets pour Raphaël : gadgets de papeterie, montres-bracelets Gundams, boîtes de "Gundams" à monter, cassettes video de dessins animés, mangas, et aussi un peignoir à rayures bleues et blanches du Keïo Plazza. Je ramenais aussi de beaux livres, dont une chouette édition japonaise de "Cupidon et Psyche" illustrée par Errol le Cain… Et de superbes bouquins sur les "Gundams", offerts par Satchiko et des amis japonais lors de la petite soirée qu'ils organisèrent au bar du Keio Plaza la veille de mon départ. De tout ceci, il reste encore chez moi des survivances à droite et à gauche.

   Allez, tiens, avant de nous séparer, encore une photo de Christian en père nourricier, le soir de notre arrivée au "ryokan" d'Osaka ! C'est trop touchant ! Cliquez pour la revue des futons de la chambre commune !





Pour me joindre :

dupeyrot.philippon@orange.fr

N'hésitez pas !