Nous sommes un samedi du mois de mai 1948. Depuis quatre ans, sans le savoir, Alger a entamé sa dernière décennie de paix avant la période des tempêtes, et le naufrage final. À propos de météo, que nous annonce le journal de ce matin ? "Le temps prévu pour aujourd'hui : état du ciel : rares ondées orageuses ; très belle éclaircies. – Vent : secteur ouest. - Températures : en faible baisse. - état de la mer : peu agitée". Oui, voilà un bien beau temps de printemps pour rentrer au pays.
C'est donc sur une mer quasi calme que le paquebot Ville d'Oran, en provenance de Marseille, pénètre dans le port d'Alger (1). Le ballet des remorqueurs l'a accompagné jusqu'à la gare maritime. Où il accoste. Quai d'Agde, celui de la Cie Générale Transatlantique. Il est 9h 45. À son bord, 53 pélerins marocains et algériens de retour d'Italie. Parmi les autorités venues saluer les arrivants, on note la présence de M. Henry Ferrier, "conseiller municipal, président des ascendants et veuves de guerre, et directeur du pélerinage en Italie". Que Monsieur Ferrier soit présent indique bien que ces pélerins ne sont pas en provenance de la Mecque via l'Italie. Ni qu'ils viennent de se recueillir chez le Padre Pio ou sur la place Saint Pierre. Non, leur pélerinage fut ailleurs. Alors que pour tout le monde la guerre s'éloigne et s'estompe, il est des familles qu'elle continue de hanter. Des familles qui vont se recueillir sur les champs de bataille d'Italie, sur les tombes des cimetières militaires laissés ici et là au fur et à mesure de la progression du Corps expéditionnaire français en 1943-44.
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Le quai d'Agde est celui de gauche.
Mais peut-être M. Henry Ferrier n'est-il pas là seulement pour accueillir des pélerins ? Aurait-il le coeur ainsi serré s'il s'agissait pour lui de simplement dire la bienvenue à ces arrivants ? Non, bien sûr. Dans ce bateau, d'autres Algérois reviennent. Ils sont seize. Pour eux le retour à la terre natale n'est pas une métaphore, c'est une sombre réalité. Seize cercueils. Les dépouilles mortelles d'Algérois "morts pour la France". "Tués à l'ennemi" à la fin de la seconde guerre mondiale, terminée il y a presque exactement trois ans. Les lieux de leurs morts jalonnent l'espace entre l'Alsace et Berlin. Parmi ces seize-là, une seule femme, ou plutôt une toute jeune-fille de vingt ans, Denise. Elle était Aspirante conductrice ambulancière. Et la fille de M. Ferrier (2). Du débarcadère à la nouvelle mairie où les seize cercueils vont être disposés dans une chapelle ardente, la distance est bien courte. Juste la rampe Magenta à monter (ou la rampe Tafourah ?), le boulevard Carnot à suivre sur quelques mètres et à traverser… À seize heures, le public est admis à venir s'incliner devant les cercueils drapés du drapeau tricolore. Des militaires de la garnison d'Alger figés au garde-à-vous rendent les honneurs. Les gerbes s'entassent, les officiels défilent… Et les proches… Tout ceci est bien relaté ci-dessous…
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Écho d'Alger, 23 mai 1948, page 2.
Toute la nuit des familles vont veiller, les soldats se relayer dans leur garde immobile. Demain lundi, les cercueils quitteront la mairie, seront acheminés vers les cimetières où en général les accueilleront les tombes familiales.
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Dimanche après-midi, arrivée à la nouvelle mairie. Exceptionnele photo mise à la disposition d'Es'mma par la famille de François Izzo. (Droits réservés)
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La nuit qui suivit… La famille de François Izzo rassemblée pour la veillée funèbre. Photo d'archives familiales confiée par Mme Joëlle Lloret (Droits réservés)
Pourquoi ces seize là ?
Pourquoi les avoir retirés des terres d'Alsace ou d'Allemagne qui les avaient accueillis ? Alors que tant d'autres continuent à reposer à proximité du lieu de leur dernier combat ? (3)
Pour certains, comme pour Denise Ferrier, c'est leur famille qui a exprimé la demande de rapatriement. Les parents de Denise Ferrier avaient avec leur fille encore si jeune, si enfantine, une relation dont l'amour réciproque se mesure à la lecture des lettres que Denise leur écrivait. Monsieur Ferrier est depuis l'an dernier conseiller municipal de la Ville d'Alger (4), il semble qu'il ait quelques relations, quelque influence, et sans doute "intrigua" t-il pour le retour du corps de sa fille, si l'on peut user de ce mot pour un souhait paternel si déchirant et si légitime. On comprend qu'il veuille essayer d'exorciser son inconcevable chagrin en hurlant à tous la gloire de son enfant. Pourtant, si ces retours se firent à la demande des familles, comment expliquer que pour deux de ces "revenants", il n'y ait pas un seul avis de décès dans l'Écho d'Alger ? Autre que celui, quasi administratif, publié par l'Association des Anciens combattants, qui cite collectivement les seize noms. Non, j'ai bien cherché, mais il semble bien que les familles de François Lechado et Pierre Alfred Martinenq n'ont rien fait paraître. Ont-elles inséré un avis dans d'autres quotidiens algérois que l'Écho d'Alger ? Ont-elles jugé inutile cette bien tardive manifestation ? Étaient-ils sans famille ?
Denise Ferrier, icône malgré elle
Le retour de Denise Ferrier, lui, a droit à une bien plus grande sollicitude. Dès le 22 dans l'Écho d'Alger paraissent les avis de décès la concernant. En deux jours, ce n'est pas moins de sept avis pour la seule Denise Ferrier : sa famille, le Maire de la ville d'Alger et le Conseil Municipal, la Fédération française de gymnastique (Monsieur Ferrier est son délégué général), le conseil d'administration des Morts pour la France (oui, curieuse appellation), le parti Républicain radical et Radical-socialiste (Monsieur Ferrier en est), l'Amicale des anciens de la 9e DIC, l'Amicale des anciennes conductrices et ambulancières du Train.
L'Écho d'Alger du 22 mai indique que trois cars seront mis à la disposition du public qui à 17 heures voudrait suivre le cercueil de Denise Ferrier jusqu'à sa dernière demeure au cimetière de Saint-Eugène (il est le dernier ce dimanche à quitter la chapelle ardente). Et pour les autres alors, on fait comment, on y va à pied ? C'est un peu énervant.
Comme est énervant le compte-rendu ci-dessous paru le lundi, qui traite des obsèques de Denise Ferrier, et pas tellement de celles des autres, en particulier de ceux inhumés au cimetère du boulevard Bru. Plusieurs "huiles" se sont déplacées jusque devant la tombe familiale des Ferrier du cimetière de Saint-Eugène, pour faire "l'éloge funèbre de Denise Ferrier, dont la vie fut si brève et si belle". On est bien d'accord que cette formule lui convient tout à fait, à Denise. Mais les autres gamins qui avaient aussi laissé leur peau dans cette guerre, leurs vies elles avaient été quoi ? Je sais qu'il ne doit y avoir que moi pour ainsi m'énerver à plus de 70 ans de distance, mais bon…
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Écho d'Alger, 25 mai 1948, page 2.
Mais bon, il faut comprendre cette ferveur… et cette faveur. Denise est la seule femme parmi ces seize. Elle est aussi parmi les plus jeunes de ces "morts pour la France", 20 ans. Elle a fait preuve d'une bravoure, d'un dévouement, d'un mépris du danger qui lui ont valu des décorations et des citations comme peu de militaires aguerris peuvent s'ennorgueillir. Et puis dès janvier 1946 avait été imprimé chez Baconnier à Alger "Vie et mort de Denise Ferrier", un livre qui a fait beaucoup pour sa renommée. Lucienne Jean Darrouy y relatait de façon magnifique la vie de la petite ambulancière, citant largement les lettres admirables de candeur et de détermination qu'écrivait Denise à ses parents. Elle était simple et modeste, persuadée de ne faire que son devoir. Devenue le symbole de l'engagement patriotique des filles d'Algérie, la municipalité a donné son nom à une rue du quartier d'Hydra sur les hauteurs de la ville. L'école dont elle suivit le Cours complémentaire, dans la rue Tirman (de la rue Michelet à la rue Sadi-Carnot, coupant les rues Denfert-Rochereau et Clauzel) a aussi été rebaptisée école Denise Ferrier. Denise a tout pour devenir une héroïne de France.
Pourtant, un traitement médiatique bien discret.
Mais pourquoi l'Écho d'Alger ne consacre t-il à l'évènement aucun titre en Une, pas de photo, et juste un bout de colonne en pages intérieures qui assure le service minimum ?
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Quels sont donc, en Une de l'Écho d'Alger de ce samedi (cliquez ICI pour aller la lire), ces évènements locaux si importants pour qu'ils éclipsent le retour des héros et le relèguent en une demi-colonne en deuxième page ? On apprend qu'à la salle des fêtes du stade de Saint Eugène M. Raymond Laquière a fêté avec faste son accession au poste de Président de l'Assemblée algérienne (avec une photo) ; que pour ses cinquante ans de sacerdoce, on a célébré les noces d'or de M. le chanoine Avignon (de notre église Sainte-Marie Saint-Charles, certes), avec une photo ; qu'a été inauguré hier le buste de Marcello Fabri au parc Saint-Saëns (avec photo) ; qu'Arpino (ici, photo du bourrin) a gagné le "Grand prix d'Alger" ; et aussi que le général Lecoq a remis son fanion aux anciens du 2e R.S.A.R. (avec une photo) (5). Ah, aussi que Marcel Cerdan a été battu à Bruxelles, mais que le jugement de l'arbitre est estimé incompréhensible. "Opinion unanime : Cerdan avait gagné !" titre l'Écho d'Alger (là, il n'y a vraiment pas photo) (6). Voilà pour ce jour-là ce qui paraissait important. Ceci permet de mesurer ce qu'étaient redevenues les priorités du moment. C'est ainsi que leurs seize visages n'auront pas eu les honneurs de la presse, et que trois seulement jusqu'ici sont parvenus jusqu'à nous. (7)
À la place du bourrin ou de quelqu'un d'autre, peut-être y aurait-il eu un emplacement à ménager à la proue du journal pour mieux annoncer le retour de cette fille et de ces fils d'Alger, morts pour la liberté de ses lecteurs, et celle de ses rédacteurs, et celle de tout ce beau monde qui se pressait hier sur l'hippodrome du Caroubier, dans l'église Saint-Charles ou à la salle des fêtes du stade de Saint-Eugène ? On a envie de les apostropher ainsi : "Passant, songe que ta liberté a été payée de leur sang !" (8). "Ce que le jour doit à la nuit", écrira Khadra…
Pourtant, il faut l'admettre : la guerre n'est pas encore si loin, que déjà la paix a tout submergé. Normal, quand le jour revient, la nuit cesse d'être. Les foules oublieuses se sont détournées des réalités qui ont fait mal. Ou auraient pu faire mal. Que voulez-vous, c'est la vie qui continue, diront certains. Et c'est vrai qu'il y en a, des films à la rubrique des spectacles, on a même l'embarras du choix (9)… Nos seize revenants eux-mêmes n'auraient sans doute pas voulu qu'il en soit autrement. N'est-ce pas pour le retour de cette paix et de cette insouciance qu'ils se sont battus ? S'ils avaient survécu, sans doute aujourd'hui, en ce printemps, seraient-ils éblouis de toute cette liberté, de tout ce choix de films partout dans Alger… Eux aussi hésiteraient sur lequel aller voir. Mourir pour que d'autres puissent aller danser, regarder Cerdan combattre, écouter les dernières chansons, voir Fernandel ou Katherine Hepburn… Accepter de n'être plus, pour que se déploie la radieuse exubérance de l'anodin et du futile ? Pour que se continue la vie. Ce dimanche 23 mai 1948 à Alger, la température est douce, minimum 17°6, maximum 23°4 – Humidité : minimum : 43%, maximum 98%. Alors quand même, on va pas aller s'enfermer dans une salle de cinéma, alors qu'on peut préparer le cabassette et aller piqueniquer en forêt ou à la plage…
Gérald Dupeyrot
Nos seize revenants
Sur les 16 "rapatriés", onze étaient d'Alger. Tous ces onze furent inhumés le dimanche 23 mai 1948, à l'exception de l'aspirant Salvin et du soldat Roger Vivès. Leurs obsèques eurent lieu le lundi 24 (selon leurs avis de décès). Il semblerait que tous furent inhumés dans des tombes ou caveaux de famille, et non dans un carré militaire dédié (sous réserve d'une visite ultérieure au cimetière de Saint-Eugène).
Les notices ci-dessous ont été obtenues en combinant les infos apportées par les avis de décès et par la fiche du site "Mémoire des Hommes". Bien entendu, si l'on retrouvait des familles, ou si certaines se manifestaient, il deviendrait possible de dédier à chaque disparu une notice qui lui rende mieux hommage.
Par ordre alphabétique :
• Adjudant Marcel-René Bartolo (733e munitions), mort en service commandé, à 28 ans, le 13 juillet 1946 à Donaueschingen, Bade-Wurtemberg (Allemagne) ; cimetière du Bd Bru (carré 24/456) ;
• Adjudant Rosario Cuocolo (dit "Nano", 3e R.T.A.), né à Alger le 29 février 1924 ; "mort pour la France" à 21 ans, le 25 mars 1945 à Niederlauterbach, Alsace (Bichwiller selon l'avis de décès) ; cimetière du Bd Bru (carré 55/277) ; domicile familial : 25 rue Millet, quartier de Belcourt à Alger. Il est le seul, à part Denise Ferrier, dont nous ayons un portrait. Et c'est tout récent, grâce à Yves Jalabert (voir ci-dessous).
• Aspirante conductrice ambulancière Denise Ferrier, née le 16 novembre 1924 à l'Arba (commune à 30 km d'Alger), engagée volontaire à 18 ans, "morte pour la France" à 20 ans, le 24 janvier 1945 à Bichwiller (Alsace) ; médaille militaire, croix de guerre 3 citations, fourragère Légion d'honneur du R.I.C.M., Distinguished unit ; cimetière de Saint-Eugène ;
• Adjudant François Izzo (6e R.C.A.), né le 16 décembre 1922 à Douaouda, "mort pour la France" à 22 ans, le 19 mars 1945 à Lauterbourg (Alsace) ; cimetière de Saint-Eugène. À la demande de ses parents, sa dépouille rejoindra ultérieurement le carré militaire du cimetière Saint-Pierre à Marseille (source Mme Joëlle Lloret) ;
• Adjudant François Lechado (Régiment de Marche du Tchad R.M.T., 2e D.B.) ; il s'agit vraisemblablement de Francisco Lechado, 9e compagnie 1ere section du RMT, tué le 31 octobre 1944 à Péttonville 54 ; son prénom a été francisé, il n'existe qu'un seul Lechado parmi les noms des morts de la 2e D.B. (cf annuaire 1949 des anciens de la 2e D.B.) ; comme les autres membres de la 9e Cie ("la nueve"), Francisco était un républicain espagnol, volontaire au service de la France Libre, avec ses camarades de la "nueve" entrés les premiers à Paris pour sa délivrance ; croix de guerre avec étoile de bronze, 1 citation ; "mort pour la France" ; cimetière de Saint-Eugène ;
• Chef d'escadron (commandant) Pierre Alfred Joseph Martinenq (252e B.R.M), né le 10 avril 1897 à Mostaganem, l'un des deux plus âgés des 16 "rapatriés" ; militaire de carrière, artilleur, belle conduite pendant la guerre de 14-18 (citation à l'ordre de la Division, "Officier d'un calme et d'un sang-froid remarquable…") ; mort à 49 ans le 11 juillet 1946 à Villingen (Bade-Wurtenberg, Allemagne) "d'une affection contractée au cours de la guerre de 1939-1945" ; sera déclaré "mort pour la France" par décision ministérielle du 14 mai 1963 ; cimetière de Saint-Eugène ;
• Adjudant Joseph-Charles Perles (4e régiment de tirailleurs tunisiens, 4e R.T.T.), né le 27 septembre 1925 à Alger, tué au combat à 19 ans le 15 mars 1945 à Oberhoffen, 67-Bas-Rhin ; "mort pour la France" ; cimetière de Saint-Eugène ;
• Adjudant Alfred Henri Pont (1er bataillon de Zouaves portés, 1ere D.B.), né le 28 octobre 1916, tué au combat à 29 ans le 14 avril 1945 à Grobbach (Bade-Wurtemberg, Allemagne) ; "mort pour la France" ; cimetière de Saint-Eugène ;
• Aspirant Alexandre-Louis Salvin (3e RTA), "mort pour la France" le 16 mars 1945 en Alsace ; 3 citations ; ses obsèques ont lieu le lundi 24 mai. cimetière de Saint-Eugène ;
• Caporal Paul-Eugène Sannequin (83/1 régiment du Génie), né le 03 juin 1922 à Alger, mortellement blessé à 22 ans, le 16 mars 1945 à Bichwiller, Alsace (ou, selon l'inscription sur sa tombe, à Schirrhein, Bas-Rhin, à 6 km de Bichwiller par la D37) ; médaille militaire, croix de guerre 3 citations ; "mort pour la France" ; cimetière du Bd Bru (carré 14/565) ;
• Soldat Roger Vivès (Cavalier au 7e R.C.A.), "mort pour la France" à 22 ans, à Herxheim (Palatinat), le 18 avril 1945 ;
Il semblerait que la famille ait voulu des obsèques privées, le 24 mai.
5 étaient de communes voisines :
• Sergent-chef Joseph Catala (groupe franc du 3e R.T.A.), né le 20 décembre 1923 à Douira (département d'Alger), croix de guerre, 6 citations, "mort pour la France" à 21 ans le 31 mars 1945 à Strasbourg ; cimetière de Boufarik ;
• Chef de bataillon (commandant) Fernand Alexandre Martinole (202e Régiment de Pionniers Nord Africains, 202e R.P.N.A.), né le 2 septembre 1894 à Boghar (département d'Alger), vraisemblablement le plus âgé des 16 "rapatriés" ; "mort pour la France" ; cimetière de Médéa ;
• Première-classe Louis-Kléber Scotti (équipier 1er, 411e F.T.A., Forces Territoriales Antiaériennes), "mort pour la France" le 6 avril 1945 ; cimetière de Maison-Carrée ;
• Maréchal des logis Raymond Tingaud (26e groupe colonial de D.C.A.), né le 15 juillet 1922 à Alger, "mort pour la France" (accident) à 23 ans, le 3 octobre 1945 à Tuttlingen-Wurtenberg (Allemagne) ; cimetière de l'Alma ;
• Brigadier éclaireur René Venys (2e D.B.), "mort pour la France" le 4 octobre 1944 à Ménil-Flin, Meurthe et Moselle ; inhumé le 24 mai 1948 à 14h 30 au cimetière d'El-Biar.
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(1) Oui, le Ville d'Oran et non le Ville d'Alger, ce qui, vous avez raison, eût été plus indiqué, plus symbolique pour les retours dont il va être question ici. Mais le Ville d'Alger, "sister ship" du Ville d'Oran, ne sera pas disponible avant le 1er juillet prochain, c'est l'Écho d'Alger d'hier qui nous le disait (cliquer ici).
Pour l'instant, on termine sa complète réhabilitation à Port-de-Bouc près de Marseille. Les armées d'occupation l'avaient désarmé, puis utilisé sur place comme hôtel flottant en 1944, et enfin incendié et sabordé lors de leur retraite. Il a été renfloué en février 1945 et complètement reconstruit.
(2) Voir ICI l'excellent texte que John Franklin, alors Secrétaire Général du C.D.H.A., avait consacré à Denise Ferrier. Autres textes sur elle : ICI et ICI.
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Portrait de Denise Ferrier en médaillon sur sa tombe au cimetière de Saint-Eugène. Photo de Yves Jalabert, début octobre 2019.
(3) Si l'on se rend sur le site "Rhin et Danube", on y lit ICI que le général de Lattre de Tassigny, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avait exprimé le souhait que soient regroupés les corps des héros militaires de la Première Armée Française en un endroit où les engagements lors de la bataille d'Alsace avaient été les plus meurtriers. C'est seulement en juin 1962 qu'il sera décidé d’ériger la Nécropole Nationale de Sigolsheim, sur cette “colline du sang” (ou “blutberg” comme dénommée par les troupes allemandes), où seront regroupés les restes mortels de 1589 combattants de la Première Armée Française (dont 792 maghrébins et 15 israélites). Ils proviendront de cimetières communaux disséminés dans les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin, des Vosges et du territoire de Belfort. Ils appartenaient aux 74 Régiments de la Première Armée.
Au sein de celle-ci, les effectifs d'européens d'AFN et de maghrébins étaient à peu près équivalents, avec un peu plus de ces derniers. Au fur et à mesure de la progression de la 1ère Armée française, il y eut incorporation de FFI, mais en même temps désengagement d'un certain nombre d'unités d'origine sub-saharienne, jugées incompatibles avec l'hiver trop rigoureux. Ce sont plusieurs centaines d'européens d'Afrique du Nord qui devaient reposer en terre alsacienne. Il semblerait donc que pour la majorité d'entre eux, leurs restes mortels n'aient pas été rapatriés. Alors, pourquoi eux ? Pourquoi ces 16 ? Y en eut-il d'autres, de ces retours collectifs ? Qui parmi les lecteurs d'Es'mma aurait une lumière à ce sujet ?
(4) Monsieur Henry Ferrier, ancien combattant de la guerre de 14-18, présida l’association des Anciens des Dardanelles et des poilus d’Orient. Il animait plusieurs associations de bienfaisance d’Alger. Il fut également président de la Fédération féminine de gymnastique et d’éducation physique. Décédé à Alger le 1er janvier 1962, il fut inhumé comme sa fille Denise dans la tombe familiale du cimetière de Saint-Eugène.
(cf. Clément Charrut, "Les Chaufferettes").
Son nom sur la tombe finit de s'effacer, comme on peut le voir ci-dessous sur la photo ramenée en ce début du mois d'octobre 2019 par Yves Jalabert, tombe dont Yves a constaté l'état de complet délabrement. Peut-être serait-il décent et normal que notre consulat en Alger pourvoie à la remise en état de la sépulture d'une héroïne de la France Libre ? Et de celles de quelques autres "morts pour la France" ?
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Photo Yves Jalabert, début octobre 2019.
(5) 2e R.S.A.R. pour 2e Régiment de Spahis Algériens de Reconnaissance. Ce fut un glorieux régiment de l'Armée d'Afrique. Voir ICI (cliquer) le site qui lui est consacré par Raymond BERDAH fils d'Albert BERDAH, Spahi au 1er escadron du 2°R.S.A.R.
(6) Delannoit, il va pas pavoiser longtemps avec son titre de champion d'Europe : au cours de la revanche du 10 juillet le Belge va tomber sous les coups de Cerdan qui reprendra sa ceinture ! Et le 21 septembre prochain, Cerdan va battre Tony Zale et devenir champion du monde des poids moyens !
(7) Denise Ferrier, Rosario Cuocolo, François Izzo. Mais pour juger vraiment, nous n'avons sous la main – ou plutôt sur Gallica - que l'Écho d'Alger. Peut-être les autres quotidiens algérois donnèrent-ils à ce rapatriement un meilleur écho ? L'un d'eux a t-il consenti à lui consacrer un emplacement en "une" ? Les photos des héros ? Au moins une seule ? Pas sûr.
(8) "Passant, songe que ta liberté a été payée de leur sang !". C'est la dédicace principale du Cimetière militaire français de Venafro, Italie (4.922 sépultures de combattants du Corps expéditionnaire Français). On songe à l'antique épitaphe "Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses lois", saluant le courage et l'abnégation des 300 Hoplites et des 700 soldats de Thespies qui à la bataille des Thermopyles s'étaient sacrifiés pour contenir les barbares perses.
(9) Quelques uns des films qui passent à Alger ce week-end (qu'est-ce qu'on avait comme salles de cinéma, d'jis !) : d'abord, quatre films conseillés pas plus tard qu'avant-hier jeudi par Micheline Hervé, critique de cinéma de l'Écho d'Alger (allez ICI lire in extenso sa chronique cinéma) : dans son style clair, positif et convaincu, elle nous dit beaucoup de bien de "Feux croisés" d'Edward Dmitryk, avec son trio de talentueux Robert (Robert Young, Robert Mitchum, Robert Ryan) dans les rôles de G.I. tout juste démobilisés, et Gloria Grahame (à l'Olympia et au Trianon) ; "Deux soeurs vivaient en paix", avec Shirley Temple et Cary Grant, projeté à l'Empire ; "Enamorada", "le film aux 12 Grands prix" dit la pub, film mexicain évoquant la révolution de 1917. Ça n'a pas l'air drôle, mais c'est avec Maria Felix. C'est elle qui gifle ce sombre héros, et elle a la main leste ! (au Vox et au Plaza).
Non, on ne peut pas stopper ça.
Mais dans le film, elle ne le gifle qu'une fois !
Micheline Hervé terminait sa chronique avec "L'enfer de la jalousie", film sur lequel elle restait assez laconique.
Pour ceux qui veulent aller rire avec une valeur sûre, c'est au Caméra ou au Marignan : Fernandel dans "Émile l'Africain" :
L'une des grandes exclusivités de la semaine, c'est sûrement "Lame de fond" avec Katharine Hepburn, Robert Taylor et Robert Mitchum (ABC, Paris, Musset, La Perle).
"Tendre Symphonie", avec la petite Margaret O'Brien et José Iturbi, le grand musicien espagnol, passe au Splendid et au Cameo. Et au Variétés "Le Diable au corps" avec Micheline Presle et Gérard Philippe. Et pour ceux qui aiment la belle et singulière Simone Renant pour l'avoir trouvée sublime face à Louis Jouvet dans "Quai des Orfèvres" l'an dernier (et il va repasser en juillet prochain à l'ABC), ils peuvent la retrouver dans "Le mystérieux M. Sylvain" à l'Alcazar. Le film avait fait sa sortie à Alger en octobre 1947 aux cinémas ABC, Paris, Musset et La Perle, mais Simone, on ne s'en lasse pas. Ci-dessous, on la reconnait à sa stature de nageuse et son port de déesse antique.
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Et il y a encore d'autres cinémas à Alger ! L'embarras du choix ! (cliquez ICI, puis agrandissez encore pour consulter le programme des spectacles) Enfin "la grande Illusion" de Jean Renoir est projeté ce dimanche matin à 9h 30 au ciné-club étudiant au Régent, 45 rue d'Isly. Ça laisse le temps de traîner un peu au lit. Dans la colonne voisine de la même rubrique cinéma de jeudi, vous aurez remarqué que Jacques Seymour, autre critique mais assez chafouin, lui, flinguait "Bambi", le dessin animé de Walt-Disney (il passait la semaine dernière au Majestic), et aussi Bourvil. Critique, ça veut pas dire qu'il faut forcément faire rien qu'à critiquer !
Deux envois de Marc Donvillle…
Marc Donville a trouvé sur Internet deux documents se rapportant à deux des seize "revenants" du 23 mai 1948.
Cette photo de la tombe d' Alexandre Louis Salvin au cimetière de Saint-Eugène :
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Et la plaque commémorative ci-dessous qui se trouve à Carnoux (Bouches-du-Rhône) où se trouvent réunis les noms de tous les morts pour la France des communes de L'Alma-Le Corso. On y trouve le nom du Maréchal des logis Raymond Tingaud.
On notera que pour cette petite commune, ce n'est pas moins de onze de ses fils qui ont donné leurs vies lors de la guerre de 39-45.
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J'adresse mes profonds remerciements à ceux qui ont apporté à cet écran, et aux recherches concernant les "morts pour la France" de notre ville, les ressources de leur curiosité, de leurs investigations, de leur savoir, de leurs remarques, de leurs conseils : Jean Brua, Marc Donville, Yves Jalabert, Marie Opper, Françoise Pigeot…
Merci en particulier à Françoise d'avoir redonné à la plupart la date et le lieu de leur naissance.
Joëlle Lloret, jointe après la mise en ligne de la première mouture du présent écran, par son apport de photographies familiales exceptionnelles, quasi historiques, prises le 22 mai 1948 à la Nouvelle Mairie, a permis d'enrichir de façon extrêmement émouvante les versions suivantes.
Merci aussi à John Franklin de son autorisation de lancer des liens vers ses propres écrits.
La photo du panorama du port d'Alger pour le titre du présent écran est de Yves Jalabert. Avec son amicale autorisation.
Le dessin des seize "revenants" qui l'accompagne est de Jean Brua.
Pour toute information que vous pourriez souhaiter,
ou que vous pensez pouvoir apporter,
vous pouvez m'envoyer un message à l'adresse suivante :
dupeyrot.philippon@orange.fr
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